Le gouvernement britannique a donné son aval vendredi à l’extradition aux États-Unis du fondateur de WikiLeaks, Julian Assange, se disant convaincu qu’il aurait droit à un procès équitable outre-Atlantique.

La ministre de l’Intérieur, Priti Patel, a approuvé officiellement l’ordonnance rendue en avril à l’encontre du célèbre lanceur d’alerte, marquant une étape clé dans une longue série de rebondissements juridiques.

Elle a passé outre ce faisant à l’avis d’un groupe de plusieurs centaines de médecins qui lui avaient demandé la semaine dernière dans une lettre de ne pas se rendre complice de l’« exécution au ralenti » du ressortissant australien.

Les membres de Doctors for Assange ont souligné que l’homme de 50 ans avait connu en octobre 2021 une « mini crise cardiaque » en détention et souffrait de problèmes de santé mentale entraînant un sérieux risque de suicide en cas d’extradition.

Ces préoccupations avaient amené un tribunal de première instance à refuser la demande américaine, mais la décision a été infirmée en appel après que Washington eut fourni des assurances sur la manière dont il serait traité.

Le ministère de l’Intérieur a rappelé notamment ces assurances vendredi en soulignant que les tribunaux avaient rejeté l’idée qu’il serait « injuste » ou « abusif » d’extrader Julian Assange.

Son équipe d’avocats dispose d’une période de 14 jours pour porter la décision en appel.

Accusations d'espionnage qui remontent à 2010

Le fondateur de WikiLeaks fait face à une série d’accusations d’espionnage aux États-Unis en raison de son rôle dans l’obtention par l’ex-militaire Chelsea Manning de documents confidentiels relativement aux actions militaires américaines en Irak et en Afghanistan et de milliers de câbles diplomatiques.

L’administration de l’ex-président Barack Obama, qui avait été profondément embarrassée par la diffusion des câbles diplomatiques, avait renoncé à le poursuivre, mais l’administration de son successeur, Donald Trump, a passé outre à ces réserves.

Le président des États-Unis actuel, Joe Biden, n’a pas changé de cap malgré les appels pressants de partisans de Julian Assange qui demandent l’abandon des accusations et de la demande d’extradition.

La conjointe de Julian Assange, Stella Moris, a indiqué vendredi dans une conférence de presse retransmise en ligne que la décision de la ministre risquait d’avoir des « conséquences extrêmement sérieuses » pour son conjoint ainsi que pour la profession journalistique de manière plus générale.

Elle a prévenu que la bataille était « loin d’être perdue » même si les revers judiciaires se multiplient et que les recours possibles sont pratiquement épuisés.

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Stella Moris, vendredi, en conférence de presse

Je vais passer chaque heure éveillée à lutter jusqu’à ce que Julian soit libre et que justice ait été faite.

Stella Moris, conjointe d'Assange

Les dirigeants de WikiLeaks ont aussi souligné sur Twitter qu’ils continueraient à s’opposer à la demande d’extradition américaine avec détermination.

Les États-Unis, ont-ils dénoncé, cherchent à se venger des crimes de guerre dénoncés par Julian Assange « en essayant de le faire disparaître dans les recoins les plus sombres de leur système carcéral » et veulent du même coup décourager toute autre personne de l’imiter.

Des appuis sont aussi venus de politiciens en Grande-Bretagne ainsi qu’à l’étranger.

Jean-Luc Mélenchon, qui chapeaute une coalition de partis de gauche susceptibles de faire bonne figure lors du second tour des élections législatives françaises, a promis de naturaliser Julian Assange s’il accède au poste de premier ministre.

Le nouveau gouvernement australien, récemment formé, a souligné que les procédures à l’encontre du lanceur d’alerte duraient « depuis trop longtemps et devaient se terminer » sans demander explicitement à la justice américaine de renoncer à l’extradition.

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Le père de Julian Assange, John Shipton (à droite), et son frère, Gabriel Shipton, étaient devant l'ambassade britannique à New York, vendredi, pour demander aux États-Unis de renoncer aux accusations et à la demande d'extradition.

Julian Assange dit craindre depuis des années d’être envoyé aux États-Unis. Il avait d’ailleurs évoqué cette raison en 2012 pour expliquer sa décision de se réfugier dans l’ambassade d’Équateur à Londres.

Le fondateur de WikiLeaks, qui faisait face alors à une demande d’extradition provenant de la Suède pour des allégations d’agression sexuelle restées sans suite, craignait que le pays scandinave ne le remette aux autorités américaines.

Il a finalement été arrêté en 2019 par les forces britanniques avec l’assentiment de l’Équateur et placé en détention pour non-respect des conditions avant d’être visé par la demande d’extradition américaine.