(Londres) Il a sauvé son poste, mais sa position est pour certains intenable : Boris Johnson cherche à tourner la page des scandales, mais doit rassembler un parti divisé et reconquérir ses électeurs.

Le chef du gouvernement britannique a survécu lundi à un vote de défiance des députés de son Parti conservateur provoqué par des frondeurs excédés des scandales comme le « partygate », ces fêtes à Downing Street pendant les confinements anti-COVID-19.

Même s’il ne peut pas être visé par une autre motion de défiance pendant un an, il a pour délicate mission de séduire de nouveau ses troupes et son électorat, échaudé par les scandales et étranglé par l’inflation, au plus haut en 40 ans.

S’exprimant au début d’un conseil des ministres mardi matin, Boris Johnson a déclaré que son gouvernement était enfin capable de « tirer un trait » sur les polémiques. Son objectif est désormais de « faire avancer le pays » en s’appuyant sur des mesures bénéficiant aux Britanniques, en pleine crise du pouvoir d’achat.

Bien qu’il se soit félicité d’un résultat « convaincant » à l’issue du vote à bulletin secret, plus de quatre députés de son camp sur dix (148 sur les 359 votants) ont indiqué qu’ils n’ont pas confiance en lui, reflétant l’ampleur du malaise et du coup porté à son autorité sur sa majorité.

À titre de comparaison, l’ancienne première ministre Theresa May avait survécu en 2018 à une motion de défiance avec une plus grande marge, avant d’être contrainte à la démission quelques mois plus tard.

En cas de défaite, une élection interne aurait été convoquée pour désigner un nouveau leader du parti, qui serait devenu chef du gouvernement.  

Mais si les rumeurs grondent sur les noms d’éventuels candidats à son remplacement, aucun ne se distingue vraiment, ce qui profite à Boris Johnson.

« Humiliation »

Arrivé triomphalement au pouvoir en 2019, Boris Johnson semble désormais en position précaire.  Même le journal conservateur The Telegraph souligne que les Tories sortent « divisés » du vote et évoque un simple « répit » pour le premier ministre, « gravement atteint ».

Pour le politologue Anand Menon, du King’s College de Londres, « le vote porte un coup massif au premier ministre ».

« Je doute fort qu’il démissionne, la question est donc de savoir si les députés, visiblement mécontents, vont trouver un moyen de l’évincer », explique-t-il à l’AFP. Tant qu’il reste, « la vulnérabilité du premier ministre va constituer le principal facteur influant sur l’action du gouvernement : il sera difficile d’interpréter toutes les annonces politiques, toutes les initiatives, autrement que comme des tactiques pour compenser sa faiblesse ».

Ces derniers mois, le gouvernement a multiplié les annonces visant l’électorat conservateur – lutter contre l’immigration illégale, réduire l’attente pour les rendez-vous médicaux, ou encore geler la redevance audiovisuelle – sans enrayer sa chute de popularité.

Parmi les fidèles, le ministre de la Justice, Dominic Raab a assuré que Boris Johnson était fort d’une « énergie renouvelée » après avoir « clairement » remporté le vote.

Les dégâts sont cependant « considérables »,  a prévenu l’ancien dirigeant conservateur William Hague dans The Times. « Des mots ont été prononcés qui ne peuvent être rétractés, des rapports publiés qui ne peuvent être effacés et des votes exprimés qui montrent un niveau de rejet plus grand que jamais pour un dirigeant conservateur ».

Malgré le soulagement d’avoir convaincu une majorité de députés tories, Boris Johnson n’en a pas terminé avec les répercussions du « partygate ».  

Les possibles remplaçants

  • Rishi Sunak

    Photo JOHN SIBLEY, REUTERS

    Rishi Sunak

  • Liz Truss

    Photo NIKLAS HALLE'N, Agence France-Presse

    Liz Truss

  • Jeremy Hunt

    Photo JEFF OVERS/BBC, via REUTERS

    Jeremy Hunt

  • Sajid Javid

    Photo HANNAH MCKAY, REUTERS

    Sajid Javid

  • Priti Patel

    Photo POOL, REUTERS

    Priti Patel

  • Tom Tugendhat

    photo tirée du compte twitter @tomtugendhat

    Tom Tugendhat

  • Penny Mordaunt

    Photo SIMON DAWSON, REUTERS

    Penny Mordaunt

  • Nadhim Zahawi

    Photo HANNAH MCKAY, REUTERS

    Nadhim Zahawi

1/8
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  

Rishi Sunak

Le Chancelier de l’Échiquier, premier hindou à occuper ce poste, a un temps été le favori, mais a perdu du terrain en raison de sa fortune et des arrangements fiscaux de sa richissime épouse, mal vus dans un contexte de crise du pouvoir d’achat. Ce défenseur du Brexit âgé de 42 ans, est devenu en 2020 ministre des Finances, poste clef en pleine pandémie, mais a été critiqué pour son action insuffisante contre l’envolée des prix.

Liz Truss

Son franc-parler et sa volonté de s’immiscer dans les guerres culturelles ont rendu la ministre des Affaires étrangères Liz Truss plutôt populaire auprès de la base des Tories. Mme Truss s’est vu confier ce poste délicat en récompense de son travail de ministre du Commerce international. À ce poste, cette championne du libre-échange, qui avait voté en faveur d’un maintien dans l’Union européenne avant de changer de camp, a conclu une série d’accords commerciaux post-Brexit.

Jeremy Hunt

Ancien ministre des Affaires étrangères et de la Santé, Jeremy Hunt, 55 ans, a perdu face à Boris Johnson lors de l’élection en 2019 pour la direction du parti, au cours de laquelle il s’est présenté comme l’alternative « sérieuse ».

Sajid Javid

Le ministre de la Santé Sajid Javid, fils d’un chauffeur de bus immigré pakistanais, est devenu banquier de renom puis ministre des Finances de Boris Johnson. Démissionnaire en 2020, il a retrouvé le gouvernement il y a un an. M. Javid a voté en 2016 pour rester dans l’Union européenne en raison des avantages économiques, mais s’est ensuite rallié à la cause du Brexit.

Priti Patel

La ministre de l’Intérieur Priti Patel, 50 ans, est la plus conservatrice des ministres. Fervente partisane du Brexit, elle a aussi voté contre le mariage entre personnes de même sexe. Malgré les promesses répétées de cette thatchérienne convaincue, le nombre de migrants arrivant illégalement par la Manche ne cesse d’augmenter.

Tom Tugendhat

Le président de la commission des Affaires étrangères à la Chambre des communes a été le premier à annoncer qu’il avait l’intention de se présenter si Boris Johnson était chassé du pouvoir. Ancien membre de l’armée britannique, il a servi en Irak et en Afghanistan.

Penny Mordaunt

Secrétaire d’État au Commerce extérieur, Penny Mordaunt a été une figure de la campagne en faveur du Brexit en 2016 et œuvre depuis à négocier des accords commerciaux. Elle est considérée comme une bonne oratrice.

Nadhim Zahawi

Ministre de l’Éducation, Nadhim Zahawi est né à Bagdad de parents kurdes en 1967 et a immigré au Royaume-Uni à l’âge de 9 ans. Il a fondé la société d’études de marché YouGov en 2000, en a démissionné dix ans plus tard pour se lancer en politique et a été élu député. Auréolé du succès de la campagne de vaccination anti-COVID-19, qu’il a supervisée, il a été nommé en septembre 2021 à l’Éducation.

Après celles de la police et de la haute fonctionnaire Sue Gray, une autre enquête, cette fois parlementaire, est prévue. Si cette dernière conclut, a priori à l’automne, que Boris Johnson a trompé la Chambre des communes en affirmant ne pas avoir enfreint les règles, il est censé démissionner.

Deux élections partielles le 23 juin auront aussi valeur de test pour le dirigeant conservateur qui a écarté lundi l’hypothèse de législatives anticipées.  

Les sondages se succèdent et sont catastrophiques pour la majorité, de moins en moins convaincue que son chef, triomphant dans les urnes en 2019, est le mieux placé pour les conduire à la victoire aux législatives de 2024.