La fronde n’aura pas eu raison de Boris Johnson. Le premier ministre britannique est parvenu à conserver son poste lundi soir, au terme d’un vote de défiance réalisé au sein du Parti conservateur, confirmant une fois de plus sa réputation de politicien téflon.

Sur les 359 députés « tories » ayant voté, 211 se sont prononcés en faveur de BoJo et 148 contre, un nombre considérable qui traduit de profondes divisions au sein de la formation politique de droite.

Ce vote de défiance survient deux semaines après la publication d’un rapport d’enquête sur le « partygate », scandale lié aux soirées très arrosées qui se sont tenues dans la résidence du premier ministre lors du second confinement, au mépris des règles sanitaires qu’il avait lui-même édictées.

Ces manquements ont été très mal perçus par la population britannique et ont valu à Boris Johnson de virulentes critiques de l’opposition, mais aussi de son propre camp.

Jusqu’ici, seule une poignée d’élus conservateurs avaient ouvertement exprimé leur mécontentement. Mais le vote de défiance a été officiellement déclenché lundi, après qu’on a atteint le chiffre fatidique de 54 lettres de députés (15 % de la majorité) réclamant son départ.

Plaidant sa cause devant ses troupes avant le vote, Boris Johnson les avait exhortées à mettre fin à une saga n’intéressant selon lui que les médias pour « parler exclusivement de ce que nous faisons pour les gens de ce pays », selon un responsable du Parti conservateur cité par l’AFP.

S’adressant à leur fibre thatchérienne, il avait fait miroiter baisses d’impôts et coupes dans l’administration, tranchant avec les interventions publiques massives de ces dernières années à la faveur de la pandémie, ou plus récemment de la crise du coût de la vie.

Ses efforts ont manifestement porté leurs fruits. Selon les règles actuelles, cette victoire fait que l’ancien maire de Londres ne pourra plus être défié par ses troupes pendant au moins un an. Mais cette crise interne laissera des marques. Et rien ne dit que les prochains mois seront faciles pour BoJo, dans un contexte délicat de guerre en Ukraine et d’inflation au plus haut depuis 40 ans.

Johnson est par ailleurs visé par une autre enquête, parlementaire cette fois. Il s’agira d’établir si le premier ministre a délibérément menti au parlement en déclarant ne pas avoir enfreint les règles sanitaires. Le cas échéant, il n’aurait pas le choix de démissionner.

Christopher Stafford, professeur de politique à l’Université de Nottingham, répond à nos questions.

LA PRESSE : Comment expliquer ce résultat, considérant l’ampleur de la fronde ?

CHRISTOPHER STAFFORD : La victoire de Johnson peut être attribuable à quelques facteurs. Principalement l’absence de successeurs viables et le fait que plusieurs députés lui doivent leur position. La majorité de son cabinet ne serait même pas près d’être au gouvernement si c’était un autre premier ministre.

Il y a quelques jours, le vote de défiance semblait encore très hypothétique. Pourquoi l’ambiance a-t-elle tourné si rapidement ?

Le rapport d’enquête de Sue Grey et la réaction des électeurs sont à la clé. La population est très remontée contre Johnson et ses députés le savent. Il y a deux élections partielles sous peu et les conservateurs semblent se diriger vers une défaite dans les deux cas, même si l’un de ces sièges est traditionnellement acquis aux conservateurs. Johnson en est le responsable et ses députés commencent à devenir nerveux.

BoJo sauve donc sa peau. Cela veut-il dire que ses problèmes sont terminés ?

Il s’accroche, mais ce sera difficile de continuer. Il revendique la victoire, mais le nombre important de députés qui ont voté contre lui fait que sa position sera intenable sur le long terme.

Quel effet sur le Parti conservateur ? Un affaiblissement ?

Absolument. Johnson tire le parti vers le bas. Plusieurs de ses annonces politiques récentes étaient controversées parce qu’elles visaient à faire la manchette et à distraire les électeurs. Même si plusieurs de ses députés ont voté contre lui, son parti est perçu comme lui facilitant la vie et il en souffre par le fait même.

À quoi s’attendre dans les prochains mois ?

Cette histoire n’est pas terminée. Loin de là. L’échelle du vote contre lui est très importante et bien qu’il tente de le minimiser, cela le laisse sérieusement affaibli.

Cent quarante-huit députés contre, c’est pire que Theresa May il y a quelques années, et pire que des leaders précédents, John Major et Margaret Thatcher. Thatcher avait obtenu 147 voix contre et avait dû démissionner malgré sa victoire. Le seul désir de Johnson est d’être premier ministre et il restera donc au pouvoir aussi longtemps qu’il le pourra, en espérant que ça s’estompera et qu’il s’en sortira.

Mais pour le moment, l’opinion est largement contre lui.

Avec l’Agence France-Presse