À compter de ce jeudi et jusqu’à dimanche, le Royaume-Uni célèbre les 70 ans de règne d’Élisabeth II. Sera-t-elle de la fête ?

Soixante-dix ans de règne, ce n’est pas rien. Et ça se célèbre en grande pompe.

Parlez-en aux Britanniques, qui s’apprêtent à fêter le jubilé de platine de la reine Élisabeth II, montée sur le trône le 6 février 1952.

Une tonne d’activités sont prévues sur ces quatre journées, même si le temps s’annonce maussade, voire pluvieux sur la fière Albion. Des défilés militaires, des concerts pop, des feux de joie et des pique-niques collectifs sont au programme, en plus des incontournables apparitions de la famille royale sur le balcon du palais de Buckingham.

Pour certains, ce jubilé de platine revêt une charge particulièrement émotive. C’est peut-être la dernière chance de rendre hommage à la reine de son vivant.

PHOTO PAUL GROVER, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

La reine Élisabeth II, le 23 mai dernier

Pour d’autres, ce moment doit être considéré comme un évènement historique. Car c’est la toute première fois qu’un monarque britannique célèbre 70 ans sur le trône.

Seule la reine Victoria s’était approchée de ce record, avec un règne de 63 ans (1837-1901).

Avenir de la royauté britannique

« Il y a beaucoup d’intérêt à cause de ce précédent, résume Ellie Woodacre, professeure à l’Université de Winchester en Angleterre. C’est quelque chose d’unique pour ce pays. »

PHOTO PHIL NOBLE, REUTERS

Des partisans de la famille royale se sont installés près du palais de Buckingham, mercredi, en prévision des festivités entourant le jubilé de platine de la reine Élisabeth II.

Pour cette historienne de la royauté, le jubilé de platine sera l’occasion de faire le point sur les 70 ans de règne de la reine, personnage désormais intouchable qui a traversé presque un siècle de bouleversements sociaux, culturels, politiques et technologiques.

C’est peut-être aussi le moment de s’interroger sur l’avenir de la royauté britannique, alors que la reine prend de moins en moins d’engagements et que ses héritiers sont appelés à prendre plus de responsabilités.

Il y a certainement une réflexion à avoir sur la direction que prend la monarchie, sur ce qui viendra ensuite, que ce soit par rapport à ce pays ou par rapport aux autres nations du Commonwealth.

Ellie Woodacre, professeure à l’Université de Winchester en Angleterre

On peut ainsi s’interroger sur le règne à venir du prince Charles (73 ans), mais surtout sur celui de William (39 ans), qui lui succédera et risque de rester plus longtemps sur le trône.

Combien d’anciennes colonies britanniques voudront en outre se débarrasser de la monarchie constitutionnelle, à l’image de la Barbade, devenue une république en octobre dernier ? Le mouvement semble inéluctable. Même l’Australie semble vouloir reprendre cette voie, 23 ans après un référendum sur la question : à peine élu, son nouveau premier ministre, Anthony Albanese, a nommé mardi un « ministre de la République » chargé de réfléchir à ce scénario.

Présente, mais dans quelle mesure ?

À plus court terme, l’autre grande question est de savoir si la reine, dont la santé est déclinante et la mobilité réduite, participera aux festivités, et dans quelle mesure. On sait que la monarque réduit de plus en plus ses apparitions, au point d’avoir laissé son fils Charles la remplacer pour le discours du Trône, le 10 mai dernier, un passage du témoin à haute teneur symbolique.

« Elle avait été très présente lors du dernier jubilé, rappelle Carolyn Harris, autrice et historienne de la monarchie établie au Canada. On va sûrement la voir sur le balcon, mais on ne va pas nécessairement la voir assister à tous les évènements. Il faudra voir au jour le jour comment les choses se présentent. »

PHOTO JUSTIN TALLIS, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Le prince Harry et Meghan Markle, en mars 2020

Ne pas s’attendre, du reste, à voir Harry et Meghan sur les photos de famille, le couple s’étant éloigné de la « Firme », au point de renoncer à ses fonctions royales.

Mme Harris souligne que la reine a une approche généralement très inclusive quand il s’agit d’évènements de cette envergure, n’hésitant pas à convier jusqu’aux petits cousins à la fête. Mais elle devrait cette fois apparaître en comité réduit, exclusivement entourée des « membres en fonction » du noyau dur de la famille, c’est-à-dire avec Charles et Camilla, William et Kate, mais sans le prince Andrew, en disgrâce pour cause de scandale sexuel, et sans Harry et Meghan…

Le duc et la duchesse de Sussex, qui vivent désormais aux États-Unis, seront présents pour les festivités. Mais on s’attend à ce qu’ils se fassent très discrets sur les plateaux officiels.

« L’important, c’est de garder l’accent sur la reine, avance Carolyn Harris. Mais il y aura sûrement beaucoup de conjectures de la part de la presse britannique sur la façon dont Harry et Meghan interagiront avec les autres membres de la famille royale. »

Le jubilé marquera-t-il le début d’une réconciliation ? L’histoire est à suivre.

Résumé des activités

Jeudi 2 juin : défilé militaire et aérien, apparition de la famille royale sur le balcon du palais

Vendredi 3 juin : grande messe à la cathédrale Saint-Paul

Samedi 4 juin : course hippique et concert géant avec Elton John, Queen et Diana Ross

Dimanche 5 juin : grande parade à Londres et grands pique-niques du jubilé aux quatre coins du Royaume-Uni

Les plus longs règnes

Louis XIV : roi de France de 1643 à 1715 (72 ans de règne)

PHOTO TIRÉE DE WIKIMEDIA COMMONS

Louis XIV, ancien roi de France

Rama IX, roi de Thaïlande de 1946 à 2016 (70 ans et 4 mois de règne)

PHOTO TIRÉE DE WIKIMEDIA COMMONS

Rama IX, ancien roi de Thaïlande

Élisabeth II, reine du Royaume-Uni de 1952 à… (70 ans, 3 mois et 26 jours de règne)

PHOTO ALASTAIR GRANT, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Élisabeth II, reine du Royaume-Uni, en 2016