(Kyiv) De la fierté mêlée à la peur : les habitants de Kyiv saluaient mercredi la bravoure avec laquelle les combattants ukrainiens bloqués dans l’aciérie Azovstal de Marioupol ont tenu tête aux troupes russes, mais exprimaient leurs craintes maintenant que ceux-ci sont prisonniers.

Après plusieurs semaines de siège et d’intenses bombardements, des centaines de soldats qui résistaient dans ce gigantesque complexe sidérurgique, essentiellement des membres du régiment nationaliste Azov, se sont rendus cette semaine et ont été emmenés vers des territoires ukrainiens contrôlés par les forces russes et prorusses.

Kyiv assure qu’ils seront échangés avec des prisonniers de guerre russes et ce sans qu’il y ait confirmation de la Russie, qui, à maintes reprises, a expliqué qu’elle ne considérait pas au moins une partie d’entre eux comme des soldats, mais comme des combattants « néonazis ».

« Je n’arrive même pas à imaginer comment ils ont fait. Pour moi, il y a les gens normaux, puis il y a ces gars-là », affirme à l’AFP Maxime Maliovany, un décorateur de 23 ans vivant dans la capitale ukrainienne, qui souligne leur courage et leur endurance.

Andriï, 37 ans, pense pour sa part que les défenseurs de Marioupol étaient des « surhommes ».

« C’était une forteresse » défendue par « des personnes qui ont réussi des choses impossibles », ajoute-t-il à propos du site d’Azovstal dans lequel ils étaient retranchés, tout en appelant les autres pays à faire pression pour que ces soldats soient rendus à l’Ukraine.

« Il n’y a pas d’autre solution. Leurs vies doivent être sauvées. Certains d’entre eux sont blessés, c’est la seule option », opine Bohdan, 46 ans.

« À jamais dans l’histoire »

Mercredi, le ministère russe de la Défense a affirmé que 959 militaires au total s’étaient rendus cette semaine, dont 80 blessés soignés dans un hôpital sur les territoires contrôlés par la Russie.

Les autorités ukrainiennes affirmaient plus tôt ce mois-ci que plus de 1000 soldats étaient dans l’aciérie et on ignore combien y sont toujours et s’ils ont prévu de se rendre. Denis Pouchiline, un chef des séparatistes prorusses, a déclaré mercredi qu’environ 1000 autres y étaient toujours.

Les vidéos et des photos diffusées cette semaine montraient des flots de combattants quittant l’aciérie, la plupart le visage émacié prolongé par une barbe, semblant épuisés, certains transportés sur des civières de fortune.

Pour des habitants de Kyiv, il est difficile de croire qu’ils seront traités humainement en captivité.

« Hier, j’ai entendu à la télévision russe […] qu’ils pourraient les tuer parce qu’ils pensent que ce sont des nazis. J’ai peur », confie Oleksandre Guerassymenko, un étudiant de 23 ans.

En annonçant leur sortie d’Azovstal, l’état-major ukrainien a affirmé lundi qu’ils avaient « accompli leur devoir » et que l’objectif principal était désormais de « sauver la vie » de ces hommes et de ces femmes.

En résistant dans l’aciérie, les défenseurs de Marioupol ont immobilisé des milliers de militaires russes, ceux-ci n’ayant pu en conséquence être déployés ailleurs, et les ont empêchés de s’emparer de Zaporijjia, à 220 km au nord-ouest, selon un communiqué qui conclut : « Ils sont à jamais dans l’histoire ».