L’invasion russe s’enlise dans l’est de l’Ukraine et la contre-offensive ukrainienne manque de vigueur, estiment des observateurs sur le terrain. Pendant ce temps, le nombre de morts, civils et militaires, grimpe rapidement.

« Il semble que les forces russes et ukrainiennes s’enlisent dans une impasse à la fois épuisante et mortelle », indiquait The Guardian mercredi. Le quotidien britannique citait le lieutenant-général Scott Berrier, directeur de l’Agence du renseignement de la défense au Pentagone, qui a déclaré : « Les Russes ne gagnent pas et les Ukrainiens ne gagnent pas, et nous sommes un peu dans une impasse. »

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky ne voit pas les choses du même œil. « Les occupants sont progressivement repoussés de Kharkiv », a-t-il déclaré. Les troupes ukrainiennes auraient repris les villages de Tcherkaski, Tyshky, Ruski Tyshki, Borchtchova et Slobojanske durant la journée.

Perspective de paix ?

Justin Massie, professeur au département de science politique de l’UQAM, estime lui aussi qu’il y a impasse sur le terrain, mais il note des gains des Ukrainiens et une incapacité de l’armée russe à faire tomber les grands centres, hormis Marioupol. « Les Russes sont capables de contrôler une bonne portion du territoire, mais pas nécessairement une grande portion de la population. » Or, poursuit-il, une impasse est bien souvent propice à un accord de paix. « Lorsqu’aucune des deux parties n’estime être capable d’en faire plus sur le terrain, les deux ont intérêt à mettre fin au conflit, dit-il. Ils peuvent prendre une pause, un cessez-le-feu qui peut déboucher sur un accord de paix. » M. Massie ajoute que la Russie ne signera pas un tel accord sans résultat. « Vladimir Poutine doit avoir une voie de sortie, sauver la face, en ayant un certain gain territorial. »

Plus de morts

Sur le terrain, le nombre de morts, tant militaires que civils, augmente sans cesse, sans qu’un organisme indépendant puisse en faire un bilan officiel. Dans le Donbass, où les Ukrainiens peinent à contenir les assauts russes, des médecins font ce qu’ils peuvent pour soigner les blessés de bombes à sous-munitions. « Si vous regardez les statistiques, c’est un peu effrayant », dit un médecin à propos des pertes ukrainiennes. Par ailleurs, l’Ukraine a annoncé que les corps de 44 civils ont été découverts dans un édifice de cinq étages détruit en mars à Izioum. De plus, pas moins 561 soldats de la Garde nationale ukrainienne ont été tués et 1697 blessés depuis le début du conflit, a indiqué le chef de cette troupe, Oleksïï Nadtotchy. Ce bilan très partiel ne concerne qu’une des unités de l’armée. À la mi-avril, le président Volodymyr Zelensky avait estimé dans une fourchette de 2500 à 3000 le nombre de soldats ukrainiens morts.

PHOTO THIBAULT CAMUS, ASSOCIATED PRESS

Le président Zelensky a participé à une rencontre virtuelle avec les étudiants de Sciences Po, mercredi.

10 700 crimes

Dans une rencontre virtuelle tenue mercredi avec les étudiants de Sciences Po, grande école établie à Paris, le président Zelensky a indiqué que la patience de l’Ukraine avait des limites en attendant d’éventuelles négociations avec la Russie, car les exemples d’exactions et de crimes s’accumulent. « Notre désir de négocier s’amenuise avec chaque nouveau Boutcha, chaque nouveau Marioupol », a-t-il indiqué. Pendant ce temps à Kyiv, la procureure générale Iryna Venediktova a indiqué être prête à traduire en justice trois prisonniers russes accusés de crimes de guerre, dont le meurtre et le viol. Le bureau de Mme Venediktova indique avoir enregistré 10 700 crimes.

Johnson rassure Suédois et Finnois

En visite en Suède et en Finlande, le premier ministre britannique Boris Johnson a promis que le Royaume-Uni viendrait à la rescousse de ces deux pays en cas d’attaque. Une allusion à peine voilée au voisin russe. Depuis l’invasion de l’Ukraine, ces deux pays songent à se joindre à l’OTAN. « En exprimant leur désir de joindre l’OTAN, mais sans y être encore admis, ces deux pays se trouvent en situation de vulnérabilité face aux Russes les menacer, dit Justin Massie. La déclaration du premier ministre britannique est en ce sens pertinente. Elle s’inscrit aussi dans la politique dite Global Britain qui prévoit que même si elle est sortie de l’Union européenne, la Grande-Bretagne [membre de l’OTAN] veut jouer son rôle sur la scène internationale. »

Kherson pourrait être annexé

Première grande ville à avoir été prise par les Russes en mars, Kherson songe à demander son annexion à la Russie, a déclaré un responsable russe installé dans la région. « Il n’y a pas de plan pour créer une république autoproclamée comme Donetsk et Louhansk, a dit Kirill Stremousov. Mais il y a des plans pour demander une annexion à la Russie. »

Trois vols nolisés

À Ottawa, le ministre fédéral de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, Sean Fraser, a annoncé l’organisation de trois vols nolisés à destination du Canada pour les Ukrainiens et les membres de leur famille. Ces vols sont offerts aux titulaires de l’Autorisation de voyage d’urgence Canada-Ukraine (AVUCU). L’ACUVU permet aux personnes bénéficiaires d’être résidents temporaires pour une période maximale de trois ans. En date du 4 mai, 204 000 demandes ont été présentées et 91 500 approuvées.

Avec l’Agence France-Presse, Associated Press, CNN, The Guardian et Le Figaro

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  • 25 %
    On l’oublie, mais une partie du gaz et du pétrole russe vendu en Europe transite par des pipelines traversant… l’Ukraine. Or, mercredi, les volumes de gaz acheminés vers l’Allemagne par le pipeline Megal ont soudainement chuté de 25 %. Russes et Ukrainiens s’accusent mutuellement de cette situation.
    source : LE PARISIEN