(Kyiv) La Russie a confirmé vendredi avoir bombardé Kyiv la veille en pleine visite du secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres, une frappe qui a causé la mort d’une journaliste ukrainienne de radio Liberty, un média emblématique financé par les États-Unis.

Ce que vous devez savoir

  • Un Américain tué, deux Britanniques « capturés » ;
  • La Russie a confirmé vendredi avoir effectué la veille une frappe avec des armes de « haute précision » contre Kyiv ;
  • Une « opération » d’évacuation des civils terrés dans l’usine d’Azovstal, assiégée par les troupes russes à Marioupol, est « envisagée » ;
  • Volodymyr Zelensky et Vladimir Poutine invités au sommet du G20 ;
  • Joe Biden a demandé au Congrès une rallonge budgétaire de 33 milliards de dollars pour livrer de l’aide militaire à Kyiv ;
  • Plus de 5,4 millions d’Ukrainiens ont quitté leur pays depuis le début de l’invasion russe, dont 57 000 ces 24 dernières heures, ont noté les Nations unies.
Consultez Mieux comprendre la guerre en Ukraine

Au même moment à Marioupol, la grande ville portuaire martyre du sud-est tombée pour l’essentiel aux mains des Russes mais où était envisagée vendredi l’évacuation de civils piégés avec des militaires ukrainiens dans l’aciérie Azovstal, une équipe de l’AFP a entendu des bombardements nourris sur le complexe sidérurgique, qui ne semblaient pas à ce stade permettre une telle opération.

La Russie a confirmé avoir frappé la veille la capitale, affirmant avoir visé des objectifs militaires et stratégiques alors même que le secrétaire général de l’ONU s’y trouvait.

« Les forces russes ont détruit, avec des armes de haute précision de longue portée, les ateliers de l’entreprise spatiale Artiom » dans la capitale ukrainienne, a notamment déclaré le ministère russe de la Défense.

PHOTO SERVICE DE PRESSE PRÉSIDENTIEL D’UKRAINE, FOURNIE PAR AGENCE FRANCE-PRESSE

Volodymyr Zelensky et Antonio Guterres

Ce bombardement a fait dix blessés et au moins un mort : Vira Ghyrytch, journaliste ukrainienne de Radio Liberty, un média financé depuis l’époque de la Guerre froide par le Congrès américain en Europe de l’Est. Le corps de la journaliste a été retrouvé dans les décombres de son immeuble.  

« Si c’est ça une attaque de haute précision, c’est vraiment cynique. C’est inhumain », disait vendredi sur place Mykhaïlo Vovtchynsky, un habitant de 22 ans.

L’attaque s’est produite au moment où le chef des Nations unies, qui effectuait mercredi et jeudi son premier déplacement en Ukraine depuis le début de l’invasion russe le 24 février, se trouvait à Kyiv.

L’Allemagne et la France ont vivement condamné, Berlin soulignant que ces frappes montraient une fois de plus « que [Vladimir] Poutine et son régime n’ont aucun respect pour le droit international ».

Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a cependant regretté dans une adresse vidéo vendredi soir, « qu’une humiliation aussi brutale et délibérée des Nations Unies soit restée sans réponse ».

Alors que le président russe a été invité comme son homologue ukrainien au sommet du G20 prévu en novembre en Indonésie, les États-Unis ont cependant dit refuser de traiter avec Vladimir Poutine « comme si de rien n’était ».

Le Pentagone a même accusé vendredi le président russe de « dépravation » et de « cruauté » pour la façon dont les forces russes se comportent en Ukraine. « Il est difficile de regarder certaines images et d’imaginer qu’un dirigeant sérieux puisse faire ça », a déclaré le porte-parole John Kirby.

« Difficile » à Kharkiv

Sur le terrain, Volodymyr Zelensky a reconnu que la situation dans la région de Kharkiv, la grande ville du nord-est dans la zone où les forces russes ont recentré leur offensive, était « difficile ».

« Mais nos militaires obtiennent des succès tactiques », a-t-il dit.

C’est notamment le cas à Rouska Lozova, un village repris par les Ukrainiens au nord de Kharkiv, d’où les forces russes pilonnaient selon eux la ville. Le village a été libéré après d’intenses combats.  

« Nous avons eu deux nuits qui ont été effrayantes, comme l’enfer… L’avant-dernière nuit, nous pensions que le ciel brûlait, que tout le village brûlait », a raconté Svitlana Perepilitsa, 23 ans.

Plus au sud et à l’est, dans la région du Donbass que le Kremlin s’est fixé pour objectif de reprendre entièrement, « les occupants font tout pour détruire toute vie », a affirmé Volodymyr Zelensky, estimant que « les bombardements constants sur les infrastructures et les zones habitées montrent que la Russie veut rendre cette zone inhabitée ».

L’offensive russe dans le Donbass « a pris du retard », a affirmé vendredi un haut responsable du Pentagone, « ils sont loin d’avoir fait la jonction » des troupes entrées par la région de Kharkiv (est), au nord du Donbass, et celles venues du sud du pays, un des objectifs de l’armée russe pour prendre en tenaille les forces ukrainiennes déployées sur la ligne de front autour des zones séparatistes de Donetsk et Louhansk.

PHOTO RONALDO SCHEMIDT, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Mais « nous pensons qu’ils continuent de créer les conditions d’une offensive soutenue, plus vaste et plus longue », a ajouté le haut responsable du ministère américain de la Défense.

Des enquêteurs britanniques

Jeudi, la coordinatrice des Nations unies en Ukraine, Osnat Lubrani, avait dit partir dans le sud préparer une tentative d’évacuation à Marioupol, M. Guterres assurant que l’ONU faisait « tout son possible » pour en extraire les civils pris dans « l’apocalypse ».

Le secrétaire général de l’ONU est allé jeudi à Boutcha et dans d’autres lieux proches de Kyiv théâtres d’exactions imputées par l’Ukraine aux forces russes et a exhorté Moscou à « coopérer » avec l’enquête de la Cour pénale internationale sur de possibles crimes de guerre.

Parallèlement, les services de la procureure générale d’Ukraine Iryna Venediktova ont révélé que dix soldats russes ont été mis en examen pour des crimes de guerre présumés à Boutcha.

C’est la première mesure de ce type prise depuis que les corps de vingt personnes portant des vêtements civils ont été découverts le 2 avril par l’AFP gisant dans une rue de cette localité, suscitant condamnation et émoi à travers le monde.  

Les Ukrainiens ont accusé les Russes, mais Moscou a démenti toute responsabilité et parlé d’une « mise en scène » de Kyiv.

« Plus de 8000 cas » présumés de crimes de guerre ont au total été identifiés en Ukraine, a affirmé la procureure.

Des enquêteurs vont à cet égard être envoyés par le Royaume-Uni pour aider leurs confrères ukrainiens, a déclaré vendredi la ministre britannique des Affaires étrangères, Liz Truss.

Mieux protéger les réfugiés

La Norvège va quant à elle emboîter le pas à l’Union européenne, dont elle n’est pas membre, en fermant à son tour ses ports aux bateaux russes, à l’exception des chalutiers, tandis qu’un premier navire chargé de maïs en provenance d’Ukraine a quitté vendredi le port roumain de Constanta, sur la mer Noire, marquant la reprise des exportations de céréales par ce pays.

Plus de 5,4 millions d’Ukrainiens ont quitté leur pays depuis le début de l’invasion russe, dont 57 000 ces dernières 24 heures, ont noté les Nations unies.

Mais, la Pologne, où 3 033 000 personnes fuyant le conflit en Ukraine sont entrées d’après les gardes-frontières, doit renforcer « de façon urgente » les mesures de prévention et de surveillance pour les protéger, en particulier les femmes, victimes de trafics, de violences et de viols, a mis en garde vendredi l’ONG Human Rights Watch.

Par ailleurs, environ 8000 soldats britanniques participeront cet été à des manœuvres en Europe de l’Est aux côtés de militaires de l’OTAN, pour une « démonstration de solidarité et de force ».  

Un ancien Marine américain âgé de 22 ans a été tué en Ukraine où il était parti mi-mars combattre les forces russes, ont dit des membres de sa famille, le Pentagone enjoignant vendredi aux Américains de « ne pas se rendre » dans ce pays.

Une organisation à but non lucratif ayant son siège au Royaume-Uni, Presidium Network, a de son côté signalé que deux volontaires humanitaires britanniques avaient été capturés lundi à un point de contrôle par les soldats russes.