(Paris) Après leur score misérable au premier tour de la présidentielle, l’avenir du Parti socialiste et du parti Les Républicains semble pour le moins incertain…

Une gifle, un crash, une tragédie… Quel terme employer pour décrire la double déroute du Parti socialiste (PS) et du parti Les Républicains (LR) dimanche au premier tour de la présidentielle en France ?

L’élection de 2017 avait déjà annoncé des années difficiles pour ces deux mastodontes de la politique française, l’un de gauche et l’autre de droite. Mais cinq ans plus tard, leur déclin se confirme, au point où certains évoquent leur possible disparition.

La candidate du PS, Anne Hidalgo, récolte un score historiquement bas de 1,7 %, encore pire que les faméliques 6 % de son collègue Benoît Hamon il y a cinq ans.

De son côté, la candidate LR Valérie Pécresse n’obtient qu’un maigre résultat de 4,8 %, au terme d’une campagne ratée de bout en bout.

Ces résultats, sous le seuil des 5 %, font que les deux formations politiques ne se feront pas rembourser leurs frais de campagne.

Un coup particulièrement dur pour LR, qui avait investi pas moins de 7 millions d’euros pour tenter d’éviter le naufrage. Preuve de cette détresse : le parti vient même de lancer un « pécressothon » pour renflouer les coffres.

« J’ai besoin de votre aide d’urgence d’ici le 15 mai pour boucler le financement de cette campagne présidentielle. Il y va de la survie des Républicains, et au-delà, de la survie de la droite républicaine », a déclaré jeudi Valérie Pécresse, qui s’est par ailleurs endettée personnellement de 5 millions d’euros pour ce premier tour. Un appel aux dons qu’on n’aurait jamais imaginé pour le parti jadis si puissant de Jacques Chirac et de Nicolas Sarkozy.

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Valérie Pécresse, du parti Les Républicains

Cet écroulement simultané est pourtant dans l’ordre naturel des choses, estime Thomas Guenolé. Pour le politologue, auteur d’un récent essai sur le souverainisme aux éditions Que sais-je ?, ce genre d’éclipse fait partie de l’évolution inéluctable des écosystèmes politiques, qui se transforment au même rythme que les sociétés.

« Il arrive aux grands partis ce qui arrive aux grandes étoiles qui brillent très fort et qui deviennent d’un seul coup une étoile naine, explique-t-il. Ces grands partis deviennent des partis nains à partir du moment où ils n’ont plus rien à faire ou à dire par rapport aux fondamentaux sur lesquels ils se sont constitués et quand ils sont déphasés par rapport à où en est le pays. »

Thomas Guénolé cite entre autres l’exemple du Parti radical français, qui fut responsable de la loi sur la laïcité en 1905 (toujours en vigueur) et qui est aujourd’hui devenu un parti « totalement marginal ». Avec le temps va tout s’en va…

Implosion ou redéfinition ?

Mais attention à ne pas rédiger trop vite les avis de décès pour le PS et LR.

Le politologue Jean Petaux rappelle que ces deux formations sont encore bien enracinées dans le paysage local en France, avec des centaines d’élus aux niveaux régional, départemental et municipal, ce qui rend leur disparition « peu probable » à court terme.

Il faudra voir, en outre, comment elles s’en sortent aux prochaines élections législatives, prévues les 12 et 19 juin.

La logique voudrait que leur glissade se confirme, ce scrutin étant souvent comparé à un « troisième tour » de la présidentielle.

Le cas échéant, rien n’exclut une implosion pure et simple du PS (actuellement 28 sièges sur 577) et un éclatement de LR (101 sièges sur 577) avec recomposition complète du paysage politique à droite. Les élus plus radicaux de LR pourraient ainsi être tentés de rejoindre le nouveau parti d’Éric Zemmour, tandis que d’autres, plus « Macron compatibles », pourraient rallier La République en marche.

Un succès aux législatives, même relatif, pourrait en revanche marquer le début d’une renaissance pour l’un ou l’autre. Jean Petaux signale que le parti LR compte encore quelques « vedettes » capables de reprendre la barre, contrairement au PS, qui n’a pas de grosse relève. « La question, dans le cas du PS, est de savoir si le moteur n’est pas définitivement calé », résume-t-il.

Cette reconstruction devra, dans tous les cas, passer par un sérieux examen de conscience, estime Bruno Cautrès. Car chez LR, comme au PS, personne ne semble avoir compris que le paysage politique français avait changé et que leurs programmes correspondaient de moins en moins aux attentes de la société française.

« Ils [ces deux partis] doivent impérativement se réformer lourdement, conclut ce chercheur au CNRS, également enseignant à Sciences Po. Ils doivent faire le travail intellectuel qu’ils n’ont pas fait pendant les cinq ans du quinquennat Macron, c’est-à-dire redéfinir un répertoire de notions, de mots-clés et de vocabulaire qui les caractérisent. Et je ne parle pas de mots très généraux comme l’écologie, la démocratie ou la citoyenneté, qui, au fond, ne veulent plus rien dire parce que tout le monde aujourd’hui se dit comme cela.

« Bref, ils doivent enfin dire quelque chose de clair sur qui ils sont. Une fois qu’on saura ça, la vie politique française se portera beaucoup mieux… »

Les Républicains en dates

1947

Le général Charles de Gaulle fonde le Rassemblement du peuple français (RPF).

1958

Création de l’Union pour la nouvelle République (UNR) sur les cendres du RPF. Charles de Gaulle est élu président de la République, et réélu en 1965.

1967

Nouveau changement de nom. Le mouvement gaulliste, issu de l’UNR, fonde l’Union des démocrates pour la République (UDR).

1976

Jacques Chirac crée le Rassemblement pour la République (RPR) afin de « rénover » l’UDR. Il sera élu en 1995, puis réélu en 2002. Le RPR est dissous au profit de l’UMP (Union pour un mouvement populaire).

2004

Nicolas Sarkozy s’empare du parti, remporte la présidentielle en 2007 et rebaptise le parti. « Les Républicains » (LR) sont nés.

2022

La candidate LR Valérie Pécresse arrive 5e du 1er tour avec 4,8 % des voix.

Le Parti socialiste en dates

1905

Création du Parti socialiste

1969

Création du nouveau Parti socialiste, dont François Mitterrand devient « premier secrétaire » deux ans plus tard. Il est élu président de la République en 1981, et réélu en 1988.

2012

François Hollande devient le 2e président de la République socialiste de la Ve République après Mitterrand, avec 51 % des voix.

2017

François Hollande ne se représente pas. Son successeur Benoît Hamon s’écrase avec 6 % des voix. Emmanuel Macron, ancien ministre de l’Économie sous Hollande, fonde le parti République en marche et accède à l’Élysée.

2022

Anne Hidalgo obtient 1,7 % des voix pour le PS au premier tour de la présidentielle.