(Mykolaiv) La frappe a éventré l’imposant bâtiment de l’administration régionale de Mykolaïv, ouvrant un trou béant dans sa partie centrale. Après plusieurs jours de répit, l’attaque russe a surpris mardi au petit-déjeuner la population de cette ville clef du sud de l’Ukraine.

Douze personnes ont été tuées et 33 autres blessées, a annoncé dans la soirée les secours ukrainiens. Un précédent bilan donné par le parquet général faisait état de neufs morts et 28 blessés.

Dans l’après-midi, les pelles mécaniques déblayaient laborieusement le monticule de gravats mais les équipes de sauveteurs commençaient à quitter les lieux, ont constaté des journalistes de l’AFP.

Il s’agit a priori d’une frappe de missile, survenue à 8 h 50 (5 h 50 GMT), a précisé un porte-parole militaire, Dmitriy Pletenchuk. Tous les tués étaient des civils, a-t-il affirmé.

Des journalistes de l’AFP ont vu deux corps évacués, ceux d’un homme en veste kaki et d’une femme âgée.

Des entrailles de l’édifice pendent des morceaux de plafond et des câbles arrachés.

Dans un coin du huitième et dernier étage, un bureau et des étagères semblent pratiquement intacts sur un bout de plancher encore accroché à la structure, tandis que tout le reste s’est effondré.

L’attaque a rompu une relative accalmie dans le pilonnage de cette ville qui commande la route d’Odessa, le plus grand port ukrainien, dans le sud-ouest du pays.

Depuis plusieurs jours déjà, la ligne de front s’est déplacée vers le sud-est, autour de Kherson, la seule ville importante dont la Russie a revendiqué la prise totale depuis le début de l’invasion le 24 février, désormais visée par une contre-offensive ukrainienne.

Manière de « nous dire bonjour »

Les Russes « ont compris qu’ils ne pourraient pas prendre Mykolaïv et ont décidé de me dire bonjour, de nous dire bonjour à tous », a ironisé sur sa page Facebook le gouverneur régional, Vitaly Kim, dont le bureau a été touché.

Dans le complexe d’habitations jouxtant le siège de l’administration secoué par l’explosion, des habitants, certains encore en pyjama ou en chemise de nuit, se donnent des nouvelles et constatent les dégâts.

Dans la cour commune à cet ensemble d’immeubles, une femme en peignoir turquoise demande à ses voisins s’ils ont vérifié leur toiture.

Plus près du bâtiment visé, Yelena Dolguikh, 65 ans, est descendue précipitamment en pantoufles, avec son petit chien et sous le bras un sac en plastique contenant des documents.

« J’étais en train de préparer le petit-déjeuner », raconte-t-elle, « je suis descendue comme j’étais, j’ai juste pris mes papiers et emmené mon chien avec moi ».

« Se venger de la résistance »

Une jeune femme, Svetlana Fedorenko, s’est coupé la main en ramassant le verre brisé de son balcon et de son salon cuisine, mais assure avoir « connu pire ».

« Poutine est un salaud, un point c’est tout », assène Viktor Gaïvonenko, un voisin venu l’aider à nettoyer les débris, au sujet du président russe Vladimir Poutine.

« Poutine vise Zelensky et le gouverneur Kim parce qu’ils remontent le moral de la population et de nos soldats », estime Svetlana Fedorenko.

« Lui et ses sbires veulent se venger de la résistance de Mykolaïv qui les empêche de marcher sur Odessa », ajoute-t-elle.

« C’est effrayant. Nous avons eu de la chance ici, nous n’avons pas eu autant d’explosions dans le centre de la ville » que dans d’autres régions d’Ukraine, déclare Donald, un retraité canadien de 69 ans résidant dans le quartier.

Lundi, Mykolaïv célébrait le 78e anniversaire de sa libération par l’Armée rouge. Sur l’avenue centrale, le « monument aux tankistes libérateurs », sur lequel trône un char soviétique T-34/85 de la Seconde Guerre mondiale, venait d’être refleuri.

« C’est le jour de la libération de Mykolaïv des envahisseurs fascistes. Et maintenant nous sommes en train de libérer la région des envahisseurs russes », soulignait Vitaly Kim, dans une vidéo sur les réseaux sociaux.

« Nous avons chassé les nazis en 1944, nous ne laisserons aucune chance aux fascistes russes en 2022 », renchérissait dans un communiqué lundi le ministère ukrainien de la Défense en référence à cet anniversaire, promettant aux envahisseurs « une mort sans gloire ».