Des missiles russes ont atteint samedi la ville de Lviv, à quelques kilomètres de la frontière de la Pologne, où se trouvait le président américain Joe Biden. La preuve que Moscou peut attaquer n’importe où, malgré son intention affichée de se concentrer sur le Donbass, dans l’est du pays.

Grande ville de l’ouest de l’Ukraine, relativement épargnée par les combats jusqu’ici, Lviv a subi une série de frappes dans l’après-midi, dont deux ont touché un dépôt de carburants et fait cinq blessés, selon les autorités locales.

Quelques heures plus tard, le président américain Joe Biden livrait un discours très ferme à Varsovie, réaffirmant la détermination de l’OTAN à défendre son territoire et exprimant de nouveau sa colère à l’endroit de Vladimir Poutine.

Dans une déclaration inattendue, le président américain a laissé entendre que le président russe devrait être destitué, après l’avoir qualifié de « boucher », quelques heures plus tôt.

« Pour l’amour de Dieu, cet homme ne peut pas rester au pouvoir », a déclaré Biden, à la toute fin de son allocution au château royal de Varsovie, avant de reprendre l’avion pour les États-Unis.

Certains observateurs n’ont pas manqué de comparer sa déclaration à un appel au changement de régime en Russie. Mais la Maison-Blanche s’est empressée de réagir, en nuançant les propos du dirigeant américain.

« Ce que le président voulait dire, c’est que Poutine ne peut être autorisé à exercer un pouvoir sur ses voisins ou sur la région. Il ne parlait pas du pouvoir de Poutine en Russie ni d’un changement de régime », a dit un haut responsable à Washington, sans préciser si ces propos avaient été préparés.

Nuance ou pas, il semble que le conflit devienne « plus personnel » entre Joe Biden et son homologue russe, estime Richard Giguère, brigadier-général à la retraite de l’armée canadienne et expert à l’École supérieure d’études internationales de l’Université Laval.

L’expert rappelle que le président américain a traité Poutine de « criminel de guerre » par deux fois cette semaine, en plus de le qualifier de « boucher » samedi, lors d’une rencontre particulièrement poignante avec des familles de réfugiés ukrainiens.

Selon lui, ces mots très durs pourraient être une des conséquences du périple européen de Biden, où le dirigeant des États-Unis s’est approché au plus près du théâtre de la guerre. « Il voit de ses yeux l’impact de cette guerre. Il y a moins de distance entre lui et le conflit », suggère-t-il.

Des missiles sur Lviv

Réaffirmant que les États-Unis ne souhaitaient pas entrer en guerre avec les forces russes qui ont envahi l’Ukraine, le président des États-Unis a également renouvelé ses avertissements à Moscou, quant à un éventuel débordement du conflit.

« Ne pensez même pas à avancer d’un centimètre en territoire de l’OTAN », a-t-il déclaré, ajoutant que répliquer à toute attaque contre un pays membre constituait un « devoir sacré » pour les États-Unis.

Ce scénario a de nouveau semblé possible samedi, avec les tirs de missiles sur Lviv, à quelques kilomètres de la Pologne, qui fait partie de l’Alliance atlantique.

Richard Giguère rappelle l’importance stratégique de cette ville collée sur l’Union européenne, par où passe une grande partie du ravitaillement destiné à l’Ukraine. Et juge « préoccupante » toute attaque dans cette région, en raison de sa proximité avec la frontière polonaise, et donc du territoire de l’OTAN.

« Il y a beaucoup de tension, beaucoup d’adrénaline. Une erreur, ça arrive souvent, et parfois, c’est ça qui prend des proportions gigantesques », dit-il, avant de suggérer, à demi sérieux, que cette agression n’était « peut-être pas un hasard », avec la présence du président américain de l’autre côté de la frontière.

Résistance autour de Donetsk et Louhansk

Ailleurs sur le terrain, peu de développements majeurs, au lendemain du changement de stratégie par Moscou, qui a annoncé vendredi vouloir se concentrer sur l’est du pays et revenir à son objectif initial de « libération » du Donbass.

L’armée russe s’est heurtée à une vive résistance autour de Donetsk et Louhansk, les deux grandes villes de cette région russophone. L’état-major de l’armée ukrainienne assure avoir abattu trois avions, huit chars et fait quelque 170 morts chez les soldats russes.

À l’autre bout du pays, l’armée russe aurait de son côté pris le contrôle de la ville de Slavoutitch, où réside le personnel de la centrale de Tchernobyl, preuve qu’elle continue de pilonner un peu partout le territoire ukrainien, confirmant les craintes exprimées samedi par le président Biden, qui a déclaré ne pas être « sûr » que l’annonce par la Russie de concentrer son offensive sur le Donbass signifie un changement de stratégie en Ukraine.

Le plus grand flou règne par ailleurs quant au sort des généraux russes morts en Ukraine, au nombre de sept, selon Kyiv, de deux, selon Moscou. Selon des responsables occidentaux, un autre général, Vladislav Ierchov, aurait été démis de ses fonctions par le Kremlin en raison des lourdes pertes subies par les troupes russes.

Les États-Unis, enfin, ont assuré à Kyiv qu’ils n’avaient « pas d’objection » au transfert d’avions de combat polonais à l’Ukraine, a affirmé samedi le ministre des Affaires étrangères de l’Ukraine Dmytro Kouleba, qui avait rencontré dans la matinée le président américain Joe Biden. « La balle est maintenant dans le camp de la Pologne », a ajouté M. Kouleba.

Avec l’Agence France-Presse