(Paris) Lui qui voulait présider la France « jusqu’au dernier quart d’heure » aura été exaucé au-delà de ses espérances. Emmanuel Macron, confronté à la pandémie puis à deux crises internationales, a dû attendre le dernier moment.  

Il annoncera sa candidature à l’élection présidentielle dans une « Lettre aux Français » qui sera mise en ligne ce jeudi soir, à 38 jours du premier tour.  

Bien que la dernière vague de COVID-19 ait entamé sa décrue et que le chef de l’État ait soldé des mois de tensions avec les colonels au pouvoir au Mali en actant le 17 février le retrait militaire français de ce pays, l’invasion de l’Ukraine par la Russie une semaine plus tard a brusquement réduit sa fenêtre d’opportunité électorale.

Dans un éditorial publié la semaine dernière, le quotidien L’Opinion relevait que cette guerre « a déjà fait une victime collatérale : la campagne électorale française s’arrête avant même d’avoir véritablement commencé ».

Le conflit « écrasera pour longtemps le reste de l’actualité : savoir si l’âge de la retraite doit être repoussé à 64 ou 65 ans passionnera moins que l’évolution de la menace à nos frontières européennes », estimait le journal.

Présidentielle « escamotée » ?

Plus encore que l’entrée en lice volontairement tardive de M. Macron, la succession des crises, d’abord la COVID-19, et à présent la guerre, met en sourdine « les enjeux réels de la campagne, notamment les enjeux sociaux qui sont inaudibles », a affirmé à l’AFP le sondeur Jérôme Sainte-Marie.

« Les dossiers des réformes à venir, les dossiers économiques et sociaux sur lesquels les opposants attendaient le chef de l’État, ces dossiers ne seront probablement jamais ouverts véritablement devant les électeurs. Cette élection va être probablement largement escamotée », a-t-il analysé samedi soir sur BFMTV, y voyant « une chance pour un président sortant ».

De fait, Emmanuel Macron a encore accru son avance sur ses principaux concurrents dans les derniers sondages, avec désormais plus de 10 points d’avance sur un trio composé des deux représentants de l’extrême droite, Marine Le Pen pour le Rassemblement national, et l’ex-polémiste Eric Zemmour, et la candidate du parti de droite Les Républicains, Valérie Pécresse.

Toutes les enquêtes le donnent réélu quel que soit son adversaire au second tour le 24 avril.

 « S’il n’y a pas de débat, s’il n’y a pas de bilan, de projet, imaginons le président de la République réélu, alors ce sera dans une forme d’omission de débat démocratique, avec un risque » sur la « légitimité au cours du mandat », a averti mardi le président de droite du Sénat, Gérard Larcher.

Mercredi soir, lors d’une allocution télévisée, M. Macron a admis que la guerre « vient percuter notre vie démocratique ». Mais il a assuré que le débat aurait bien lieu lors de la campagne, alors que l’opposition craint de voir les sujets nationaux éclipsés par la crise internationale.

« Une France d’avance »

 « Cette élection, ça doit être celle du projet », avait pour sa part affirmé le 21 février le chef du parti présidentiel, Stanislas Guerini, peu après une série de ralliements d’anciens ministres de droite et de gauche. Il a déploré « une campagne qui regarde dans le rétroviseur », en allusion notamment aux déclarations des candidats d’extrême droite et de droite sur la menace de « déclassement » et de déclin du pays.

« Aujourd’hui il faut regarder devant. Je pense que le président de la République au fond a une France d’avance par rapport à ses concurrents », a-t-il lancé.

L’intéressé ne s’était d’ailleurs pas privé de détailler ces dernières semaines ses ambitions pour le pays en matière de sécurité, d’énergie nucléaire civile ou d’espace, à l’horizon 2030, voire 2050.

Mais plus qu’une véritable adhésion,  les enquêtes d’opinion révèlent un jugement plus sévère envers les prétendants à sa succession qu’envers le président sortant.

« Emmanuel Macron, un (archi) favori par défaut », concluait ainsi le Baromètre politique du mois de février réalisé par l’institut Odoxa – Mascaret pour les chaînes LCP – Assemblée nationale, Public Sénat et la presse quotidienne régionale, publié la semaine dernière.