(Moscou) La Russie a jugé possible lundi un règlement diplomatique de la crise russo-occidentale autour de l’Ukraine et annoncé la fin de certaines manœuvres militaires, au moment où la crainte d’une invasion imminente atteignait son pic.

Signe que la situation reste explosive, le Pentagone a affirmé lundi que Moscou avait renforcé pendant le week-end son dispositif militaire aux frontières de l’Ukraine, où plus de 100 000 soldats sont massés depuis des semaines.

Alors que les craintes d’une invasion de l’Ukraine montent, le chancelier allemand Olaf Scholz a exhorté la Russie à saisir les « offres de dialogue » pour désamorcer cette crise qui a réveillé en Europe le spectre d’une guerre.  

Pour sa part, le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian a estimé que « tous les éléments » étaient réunis pour une offensive militaire « forte » de la Russie.

« Y a-t-il tous les éléments pour que soit menée une offensive forte de la part des forces russes en Ukraine ? Oui c’est vrai, c’est possible là, c’est possible rapidement », a-t-il déclaré, tout en soulignant que « rien n’indique aujourd’hui » que le président Poutine ait pris une décision.

S’éloignant des déclarations offensives de ces derniers jours, le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov a estimé lundi qu’il y avait « toujours une chance » de trouver un compromis.

« Nos possibilités sont loin d’être épuisées », a affirmé M. Lavrov lors d’une réunion avec M. Poutine retransmise à la télévision, proposant même de « prolonger et d’élargir » le dialogue.

« Bien », lui a laconiquement répondu le président russe, dont les intentions restent pour l’instant indéchiffrables pour les capitales occidentales.

Selon l’ambassadeur russe auprès de l’UE, Vladimir Tchijov, son pays « n’envahira pas l’Ukraine sauf si on nous provoque ».  

« Si les Ukrainiens lancent une attaque contre la Russie, vous ne devriez pas être surpris si nous contre-attaquons. Ou s’ils commencent à tuer de manière éhontée des citoyens russes de n’importe où — au Donbass ou ailleurs », a-t-il déclaré.  

Les États-Unis assurent qu’une invasion de l’Ukraine pourrait être imminente, mais Kiev s’est efforcé ces derniers jours de relativiser la menace.

Comme pour donner l’impression d’un apaisement, le ministre russe de la Défense a également annoncé lundi la fin de certaines manœuvres militaires, alors que les exercices aux frontières russo-ukrainiennes et en Biélorussie nourrissent les craintes d’une escalade.

« Des exercices ont lieu, une partie est terminée, une autre partie est en train de se terminer. D’autres se font encore étant donné (leur) taille », a dit Sergueï Choïgou à M. Poutine.

Tranchées creusées

La Russie, qui a déjà annexé la Crimée en 2014 et soutient des séparatistes prorusses dans l’est de l’Ukraine, a constamment nié toute velléité agressive.

Elle se dit à l’inverse menacée par l’expansion des moyens de l’OTAN en Europe de l’Est et réclame des « garanties de sécurité », notamment l’assurance que l’Ukraine n’adhérera jamais à l’OTAN.

Au risque d’irriter le Kremlin, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a réitéré lundi que Kiev voulait rejoindre l’OTAN afin de « garantir sa sécurité ».

Les Occidentaux ont jugé les demandes russes inacceptables, mais ont proposé un dialogue accru sur d’autres sujets, comme le contrôle des armements.

Lundi, M. Lavrov a jugé « constructives » certaines des propositions américaines.

En attendant d’hypothétiques progrès sur le front diplomatique, dans le sud-est de l’Ukraine, à proximité de la ligne de front avec des séparatistes prorusses, la population se mobilise dans la perspective d’une attaque.

« Nous creusons des tranchées dans lesquelles les soldats ukrainiens pourront facilement sauter et se défendre », explique ainsi à l’AFP Mikhaïlo Anopa, 15 ans.

Menaces de sanctions

A Kiev, aucun signe de panique n’était visible. Mais Iouri Fedinski, un musicien de 46 ans, a choisi de quitter l’Est ukrainien pour les États-Unis avec sa femme enceinte et ses quatre enfants.

« Nous les emmenons apprendre l’anglais dans une école américaine […], une alternative à ce que Poutine voudrait pour l’Ukraine », a-t-il dit à l’AFP à l’aéroport de Kiev.

Lors de son déplacement dans la capitale ukrainienne, M. Scholz, qui n’a pas commenté les dernières déclarations russes, a mis en garde Moscou.

« Personne ne doit douter de la détermination et de la préparation de l’UE » à réagir en cas d’attaque, a-t-il assuré.

« Nous prendrons des mesures de grande envergure qui auront des répercussions importantes sur les possibilités d’évolution économique de la Russie », a-t-il mis en garde. « C’est ce que je soulignerai demain à Moscou ».

De son côté, M. Zelensky a estimé que le gazoduc controversé russo-allemand Nord Stream 2, qui permet de contourner le territoire ukrainien pour livrer du gaz russe à l’Europe, était une « arme géopolitique ».

« Grosse erreur »

En outre, l’Ukraine a officiellement demandé à Moscou de s’expliquer sur le déploiement de nombreux soldats à ses frontières, conformément aux engagements que la Russie a pris dans le cadre de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, dont une réunion est prévue pour mardi.

Les États-Unis, quant à eux, martèlent depuis des jours que l’armée russe pourrait envahir l’Ukraine « à tout moment » et nombre de pays ont appelé leurs ressortissants à quitter au plus vite son sol.

À cet égard, M. Zelensky a qualifié de « grosse erreur » la décision de certains pays, dont les États-Unis, de déménager leurs ambassades hors de Kiev.

Malgré les tensions, qui sont montées d’un cran la semaine dernière avec le lancement de grandes manœuvres russo-biélorusses, Kiev s’est félicité lundi de négociations « positives » avec Minsk.