(Madrid) Des étrangers saouls déambulant dans les rues, des fêtes clandestines violemment interrompues par la police : ces images irritent les Madrilènes, tenus de rester dans leur région pendant la Semaine sainte, alors que les frontières espagnoles sont ouvertes aux touristes.

Que ce soit en première page des journaux ou sur les chaînes de télévision, où elles passent en boucle lundi, ces images alimentent un débat de plus en plus animé sur ce que beaucoup d’Espagnols considèrent comme les incohérences des mesures sanitaires prises par les autorités pour freiner la COVID-19.

353 interventions policières

Quelque 353 « fêtes ou réunions illégales » organisées dans des domiciles privés ont fait l’objet d’une intervention policière le week-end dernier à Madrid, a annoncé lundi la police municipale de la capitale, un chiffre légèrement en baisse par rapport à la semaine précédente (384).

Sur ce total, on ignore combien concernaient des touristes étrangers allés faire la fête à Madrid parce qu’ils ne peuvent plus la faire en Allemagne, en France ou ailleurs.

« Nous avons plus que jamais besoin de la collaboration des citoyens », a lancé lundi le délégué du gouvernement central (l’équivalent d’un préfet) dans la région de la capitale, José Manuel Franco, qui a appelé les Madrilènes à « dénoncer les fêtes » clandestines. Il a rappelé que le taux d’incidence à Madrid était parmi les plus élevés de l’Espagne.  

À l’instar des fêtes, les attroupements de touristes hilares et un verre à la main dans les rues de la ville, profitant de l’ouverture des bars et des restaurants jusqu’à 23 h, sont abondamment commentées dans les médias et sur les réseaux sociaux.

Si cela suscite l’exaspération des Madrilènes, c’est que leur agglomération reste ouverte aux touristes étrangers, alors que les Espagnols n’ont, pour leur part, pas le droit de se déplacer d’une région à une autre jusqu’au 9 avril pour éviter une explosion des contaminations à l’occasion de la Semaine sainte.

Depuis plusieurs jours, gouvernement central et autorités de Madrid se renvoient donc la responsabilité de cette situation.

« L’image de notre pays »

« Ces images me préoccupent », a réagi lundi la ministre de la Santé, Carolina Darias, à l’occasion d’un évènement organisé par le quotidien El Pais. « Ça ne peut pas être l’image de notre pays ».

« L’image de notre pays, ce sont des gens responsables, qui respectent les règles », a-t-elle poursuivi.

Directement visée par les critiques, la présidente de droite de la région de la capitale, Isabel Diaz Ayuso, en pleine campagne pour sa réélection à la tête de la Communauté autonome la plus riche d’Espagne, a aussitôt renvoyé la balle dans le camp du gouvernement socialiste.  

« C’est au gouvernement espagnol qu’il revient d’éviter ces photos », a-t-elle déclaré dans un entretien avec la chaîne de télévision La Sexta, car l’accès des étrangers au territoire espagnol relève des prérogatives du pouvoir central.

Mais les régions espagnoles étant compétentes en matière de santé, la gauche accuse Mme Díaz Ayuso d’inciter les touristes à se rendre à Madrid en raison de la politique d’ouverture de la région, où les mesures contre la COVID-19 sont parmi les plus permissives d’Europe.

« On ne peut pas répandre l’idée qu’à Madrid il y a un tourisme de beuveries », s’est-elle indignée, assurant que les touristes visitent aussi les musées et les théâtres.

Elle a également jugé que ces commentaires avaient « un fond xénophobe » en ce qui concerne les Français, que beaucoup montrent du doigt, au point que l’ambassade de France a appelé jeudi à ne pas les « stigmatiser » et à ne pas « exagérer un phénomène qui n’existe pas ».

En fait, le problème ne se cantonne pas à la capitale, puisque la police catalane est intervenue dimanche soir dans un quartier huppé de Badalone, près de Barcelone (nord-est), pour mettre fin à une fête dans une villa où se trouvaient 37 personnes, en infraction aux règles édictées par cette région face à la COVID-19.

Le quotidien catalan Ara a identifié deux d’entre eux comme étant des footballeurs de l’Olympique de Marseille.

Interrogée par l’AFP, la police catalane a répondu ne pas avoir « officiellement cette information », tandis que l’OM se refusait de faire le moindre commentaire.

Samedi, l’Espagne a annoncé qu’elle élargissait aux entrées par la frontière terrestre avec la France l’obligation de fournir un test PCR négatif.