(Genève) Le retour à la démocratie en Biélorussie va prendre « plus de temps » et « pour le moment il semble que nous ayons perdu », a reconnu la cheffe de file en exil de l’opposition biélorusse Svetlana Tikhanovskaïa, dans un entretien au journal suisse Le Temps.

Elle annonce également dans cette interview publiée samedi vouloir venir en Suisse en mars pour demander aux autorités d’ouvrir une enquête sur « les avoirs cachés et les schémas de corruption d’Alexandre Loukachenko (président biélorusse, NDLR) » dans ce pays.

« Je dois bien l’admettre, nous avons perdu la rue, nous n’avons pas de moyen de combattre la violence du régime contre les manifestants — ils ont les armes, ils ont la force, donc oui, pour le moment il semble que nous ayons perdu », affirme Mme Tikhanovskaïa, dont le mari a été emprisonné en Biélorussie l’année dernière après avoir tenté de se présenter à la présidentielle.

Selon elle, « le retour à la démocratie va prendre plus de temps que prévu ».

« En Biélorussie, les gens veulent voir la lumière au bout du tunnel, penser au jour où, enfin, tout ira bien. Et parce qu’ils comptaient sur une résolution rapide, ils attendent maintenant un plan fantastique […]. Mais un tel plan n’existe pas », dit-elle.

Mais l’opposante, âgée de 38 ans et mère de deux enfants, appelle les Biélorusses à construire les structures « pour les luttes de demain », malgré la fatigue et la peur.

Et d’assurer : « Notre stratégie, c’est de mieux nous organiser, de mettre le régime sous pression constante, jusqu’au moment où les gens seront à nouveau prêts à redescendre dans la rue, peut-être au printemps ».

Elle se dit toutefois « incapable de demander aux Biélorusses de se mettre en danger », et défend le principe d’une « révolution pacifique ».

Si les restrictions liées à la pandémie de COVID-19 le permettent, l’opposante en exil en Lituanie entend venir en mars en Suisse.

Elle souhaite rencontrer le président du Parlement, « qui est venu à Vilnius l’automne dernier, pour aborder la question des droits de l’homme en Biélorussie ».

Mme Tikhanovskaïa voudrait également rencontrer la Haute-Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, Michelle Bachelet, pour parler « d’instruments qui permettraient de restaurer la justice » dans son pays.

Le 4 décembre, Mme Bachelet avait déploré, devant le Conseil des droits de l’homme de l’ONU (CDH), que la situation en Biélorussie « a continué à se détériorer » depuis le début urgent mené par cette instance onusienne en septembre.

Le CDH se repenche jeudi prochain sur la situation en Biélorussie à l’occasion de la publication d’un rapport de Mme Bachelet.

Le régime du président Alexandre Loukachenko réprime depuis l’année dernière un mouvement de contestation historique né de la réélection controversée en août du chef de l’État, aux commandes du pays depuis 1994.