(Bruxelles) L’UE et la Russie sont entrées en confrontation ouverte mardi avec l’annonce de la préparation de sanctions européennes pour défendre les droits fondamentaux en Russie et le durcissement du Kremlin contre l’opposition, accusée de trahison.

Le chef de la diplomatie européenne, l’Espagnol Josep Borrell, a recommandé l’adoption de nouvelles sanctions après l’affront subi pendant sa visite à Moscou, et a annoncé son intention de faire des propositions sur cette ligne aux États membres.

Le Kremlin a pour sa part accusé les proches de l’opposant incarcéré Alexeï Navalny d’être des « traîtres » pour avoir discuté de ces sanctions avec des représentants des pays de l’UE et va légiférer pour qualifier d’« actes criminels » les appels à des sanctions contre la Russie.

« Sans pitié »

« Le gouvernement russe est sur une voie autoritaire et se montre sans pitié dans l’affaire Navalny », a déploré Josep Borrell devant le Parlement européen réuni en plénière.

« Ma visite à Moscou avait un double objectif : exposer la position de l’UE sur l’affaire Navalny et voir si les autorités russes voulaient inverser la tendance négative dans nos relations », a-t-il rappelé aux élus européens.

« La réponse a été non », les responsables russes « ne sont pas intéressés si nous continuons à nous attacher à la défense des droits de l’homme. Or nous ne pouvons pas nous taire », a-t-il lancé.

Trois diplomates européens — allemand, polonais et suédois — ont été expulsés pendant sa visite et il lui a été refusé de voir Alexeï Navalny comme il en avait exprimé le souhait auprès des autorités russes. En réponse, les trois pays concernés ont chacun décidé de renvoyer un diplomate russe.

Le président du Conseil européen Charles Michel a dénoncé « le comportement agressif » de la Russie durant la visite de Josep Borrell. « L’UE ne se laissera pas intimider », a-t-il affirmé lors d’une rencontre à Bruxelles avec le premier ministre ukrainien.

Charles Michel a annoncé son intention de se rendre en Ukraine et en Géorgie en mars pour afficher le soutien de l’UE à ces deux pays qui dénoncent la violation de leur intégrité territoriale par la Russie.

Le secrétaire général de l’OTAN Jens Stoltenberg a également dénoncé mardi la détention d’Alexeï Navalny comme une « perversion de la justice, car elle vise la victime d’une tentative de meurtre, alors que les agresseurs sont toujours en liberté ».

« Il serait bon de prévoir des sanctions. Je vais user de mon droit d’initiative et je ferai des propositions qui combineront des actions pour lutter contre la désinformation et les cyberattaques », a annoncé Josep Borrell.

Celui-ci devrait soumettre ses propositions aux ministres des Affaires étrangères de l’UE au cours de leur réunion le 22 février. La prise de sanctions requiert l’unanimité.

L’Union européenne a plusieurs motifs pour ses sanctions : violation des droits humains, utilisation des armes chimiques, cyberattaques, terrorisme, dont les trois premiers ont déjà été utilisés pour sanctionner les autorités russes.

Six personnalités russes, dont le chef du FSB Alexandre Bortnikov et le n° 2 de l’administration présidentielle Sergueï Kirienko, ont ainsi été inscrites en octobre sur la liste pour leur implication, selon l’UE, dans l’empoisonnement d’Alexeï Navalny.

Léonid Volkov, un des plus proches collaborateurs d’Alexeï Navalny, a annoncé lundi soir avoir en outre « discuté avec des représentants des pays de l’UE » d’un « paquet de sanctions » ciblées qui viseraient le « cercle le plus proche et les soutiens » du président russe.

« Pas d’illusions »

Josep Borrell a défendu son voyage à Moscou, critiqué par plusieurs députés européens d’Europe centrale et orientale. « Je suis allé transmettre le désaccord de l’UE après l’arrestation et la condamnation de Navalny. Les autorités russes n’ont pas apprécié », a-t-il souligné.

« Ma visite était soutenue par une majorité d’États membres. Je savais que je prenais un risque compte tenu du contexte tendu et j’ai décidé de le prendre, mais je ne me faisais pas d’illusions », a affirmé le chef de la diplomatie européenne.

« Après cette visite, je suis encore plus inquiet quant aux choix géostratégiques des autorités russes », a-t-il confié. « La confiance ne règne plus entre l’UE et la Russie et les relations économiques ont été mises à mal par les sanctions imposées après l’annexion de la Crimée » en 2014.

« Mais nous devons trouver un modus vivendi pour éviter la confrontation permanente », a souhaité M. Borrell.

Les dirigeants de l’Union européenne doivent déterminer leur stratégie vis-à-vis de la Russie durant leur sommet des 25 et 26 mars à Bruxelles.