(Moscou) La Biélorussie a affirmé mercredi avoir obtenu l’organisation de négociations avec Bruxelles pour régler la crise migratoire en cours aux frontières de l’Union européenne, Berlin n’évoquant toutefois qu’une coopération pour l’aide humanitaire et le retour des migrants.

Le président biélorusse Alexandre Loukachenko et la chancelière allemande Angela Merkel se sont entretenus dans la journée par téléphone, pour la seconde fois en trois jours, afin d’évoquer ce dossier qui provoque de graves tensions entre l’UE et la Biélorussie soutenue par Moscou.

Quelques milliers de migrants, originaires principalement du Moyen-Orient, campent depuis des jours par des températures glaciales le long de la frontière polonaise, du côté de la Biélorussie, dans l’espoir de pouvoir entrer dans l’UE.

L’Occident accuse Minsk d’avoir orchestré depuis l’été cet afflux, en réponse à des sanctions occidentales contre la Biélorussie après la répression en 2020 d’un mouvement d’opposition historique, et afin de diviser les Vingt-Sept.

Très isolé depuis sur la scène internationale, Minsk a soutenu mercredi que l’appel entre Mme Merkel et M. Loukachenko avait abouti à un accord sur l’organisation de pourparlers Biélorussie-UE.

Selon la présidence biélorusse, les deux dirigeants se sont entendus pour « que le problème dans son ensemble remonte au niveen Biélorussie-UE et que des responsables désignés par chacune des parties entreprennent immédiatement des négociations ».  

« C’est dans ce contexte que sera étudié le souhait des réfugiés de se rendre en Allemagne », a poursuivi la présidence dans un communiqué.

Mais cette annonce a été immédiatement nuancée par Berlin, qui n’a évoqué qu’une coopération entre Minsk et l’UE pour fournir une aide humanitaire aux migrants coincés à la frontière.

« La chancelière a souligné la nécessité de fournir une aide humanitaire et des options de rapatriement pour les personnes concernées » avec les Nations unies et « en coopération avec la Commission européenne », a indiqué le porte-parole de Mme Merkel, Steffen Seibert.

Risque de crise longue

Le ministre polonais de la Défense Mariusz Blaszczak a averti mercredi que cette crise « pourrait durer des mois, voire des années », affirmant que les migrants avaient à nouveau « attaqué la frontière polonaise » pendant la nuit.

La vieille, les forces de sécurité polonaises avaient fait usage de gaz lacrymogène et de canons à eau pour repousser une foule qui leur jetait des pierres en tentant de traverser la frontière.

Varsovie, ainsi que les deux autres voisins européens de la Biélorussie, la Lituanie et la Lettonie, refusent d’accueillir ces milliers de migrants.

Les gardes-frontières polonais ont dit avoir enregistré mardi 161 tentatives de « passages illégaux », y compris « deux tentatives de passages en force », la police polonaise rapportant également neuf fonctionnaires blessés lors des affrontements de mardi, de même qu’un garde-frontière et un soldat.

De leur côté, les organisations humanitaires affirment qu’au moins onze migrants sont morts des deux côtés de la frontière depuis le début de la crise cet été et ont réclamé une réponse humanitaire.

La Biélorussie et la Russie, qui nient être l’origine de la crise et critiquent l’UE pour ne pas avoir accueilli ces populations, ont condamné l’usage de la force par Varsovie, tout en se présentant en protecteur des droits humains.

La télévision d’État russe a montré mercredi des centaines de migrants dans un centre couvert mis en place par les autorités biélorusses près de la frontière, où des familles avec des enfants ont passé la nuit.  

« Aventurisme militaire »

Parallèlement, Moscou est accusée d’avoir déployé ces derniers jours des troupes supplémentaires à la frontière ukrainienne, où la situation est toujours très tendue depuis le début en 2014 d’un conflit entre Kiev et des séparatistes prorusse.

Le premier ministre britannique Boris Johnson a ainsi mis en garde Moscou mercredi contre l’« erreur tragique » que constituerait tout « aventurisme militaire » aux frontières d’Ukraine et de Pologne.

De leur côté, Bruxelles et Washington ont annoncé lundi vouloir élargir dans les prochains jours les mesures punitives prises contre la Biélorussie.

Suite à des pressions de l’UE, la compagnie aérienne biélorusse Belavia a annoncé que Syriens, Irakiens, Afghans et Yéménites étaient désormais interdits de vol depuis Dubaï vers la Biélorussie. La Turquie a imposé les mêmes restrictions la semaine dernière.

L’Irak a annoncé un vol de rapatriement prévu jeudi pour au moins 200 de ses ressortissants bloqués à la frontière, dont des femmes et des enfants.

Le président Loukachenko, au pouvoir depuis trois décennies, s’était entretenu lundi Angela Merkel, son premier appel avec un dirigeant européen depuis le début de la crise.

Selon le porte-parole de la chancelière, cette dernière avait appelé lundi M. Loukachenko pour trouver des issues humanitaires et permettre à l’ONU d’intervenir.  

La commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, Dunja Mijatovic, qui s’est rendue mardi dans la région frontalière, a affirmé que la situation restait « extrêmement complexe et problématique ».