(Athènes) La police portuaire grecque a diffusé mardi une vidéo montrant un canot pneumatique chargé de migrants escorté de deux bateaux turcs qui « tentent de le diriger dans les eaux grecques » au large de l’île de Lesbos, ont annoncé les garde-côtes grecs.  

Athènes accuse régulièrement Ankara de permettre le départ de bateaux passeurs des côtes turques pour les faire entrer dans les eaux grecques, en violation d’un accord de mars 2016, qui prévoit un effort de la Turquie pour limiter les migrations vers l’Europe, en échange d’une aide financière de l’Union européenne.

La vidéo montre les « navires des garde-côtes turcs faisant des manœuvres dangereuses pour diriger le canot vers les eaux grecques » au large de l’île de Lesbos, afin de « le faire entrer illégalement » en Grèce, affirme un communiqué des garde-côtes grecs, qui publient rarement ce type d’images.

« Une fois de plus, la Turquie s’est comportée comme un “État pirate” en mer Égée, en violant ses engagements envers l’Union européenne », a déclaré Giannis Plakiotakis, le ministre grec de la Marine marchande cité dans le communiqué.  

Quelques heures après la publication de la vidéo, le premier ministre grec Kyriakos Mitsotakis a de nouveau accusé la Turquie d’« instrumentaliser » la question migratoire, à l’issue d’un entretien avec son homologue hollandais Mark Rutte, en visite officielle à Athènes.

« Oui, nous interceptons des bateaux (passeurs, NDLR) venant de Turquie comme nous avons le droit de le faire selon la réglementation européenne et nous attendons que les garde-côtes turcs viennent les récupérer et les ramener en Turquie », a-t-il affirmé en répondant fermement à la question d’une journaliste sur les refoulements de migrants présumés en mer Egée, dont Athènes est accusée par certains médias et ONG.

« Plutôt que de mettre la faute sur la Grèce, vous devriez la mettre sur ceux qui ont systématiquement instrumentalisé la question migratoire », a-t-il ajouté.

De son côté Mark Rutte a affirmé que « le gouvernement grec essaie de défendre les frontières extérieures de l’UE comme l’Italie, l’Espagne, la Hongrie, la Slovénie ou la Pologne », soulignant que « la situation (migratoire) est extrêmement difficile ».

Sur la vidéo des garde-côtes grecs, l’AFP distingue deux navires turcs dont l’un fait une manœuvre rapide devant le canot chargé d’au moins une quinzaine de migrants. On y voit ensuite les bateaux turcs rebrousser chemin ainsi que le canot pneumatique, en direction des côtes turques à 11 km de Lesbos.

Cette vidéo est publiée cinq jours après qu’une eurodéputée en visite sur l’île grecque de Samos, également proche des côtes turques, eut affirmé sur Twitter que le « refoulement potentiel » de cinq Somaliens avait été « empêché » le 3 novembre dernier.

Cornelia Ernst, eurodéputée allemande du parti de gauche Die Linke, participait à une délégation européenne en visite à Samos pour enquêter sur la politique migratoire en Grèce.  

De nombreux médias et ONG ont publié ces derniers mois des rapports accusant Athènes de refoulements présumés de migrants vers la Turquie, ce qu’Athènes a toujours démenti. La Commission européenne a appelé début octobre la Grèce à enquêter sur ces allégations.

Cornelia Ernst a tweeté avoir découvert cinq Somaliens « cachés » sur les hauteurs de cette île, « craignant d’être repoussés en Turquie ».

« Il est clair pour moi qu’en les trouvant et en les remettant physiquement à la police grecque, un potentiel refoulement a été empêché », a-t-elle tweeté, soulignant avoir « lu trop de rapports documentés sur des refoulements » présumés de migrants en Grèce.

Le ministre grec des Migrations Notis Mitarachi a annoncé une enquête sur cette affaire.