(Londres) Un « serviteur loyal » de ses administrés : Boris Johnson s’est joint lundi aux hommages émus rendus par le Parlement britannique au député David Amess, mortellement poignardé lors d’une permanence parlementaire, assurant que la démocratie l’emporterait.

Considéré par la police comme un acte terroriste potentiellement islamiste, le meurtre vendredi du député conservateur de 69 ans survenu alors qu’il s’entretenait avec ses administrés, dans une église méthodiste à Leigh-on-Sea (sud-est de l’Angleterre), a bouleversé le pays.  

Un suspect de 25 ans a été arrêté sur les lieux du drame. Selon les médias, il s’agit d’Ali Harbi Ali, un Britannique d’origine somalienne ayant brièvement suivi un programme de déradicalisation.

David Amess « nous a été pris dans un acte de violence méprisable […] qui a violé le caractère sacré à la fois de l’église, dans laquelle il a été tué, et de la permanence parlementaire si essentielle à notre démocratie représentative », a déclaré Boris Johnson, en ouvrant le bal des discours d’hommage à la Chambre des communes, où la victime siégeait depuis près de 40 ans.

« Et nous n’autoriserons jamais ceux qui commettent des actes malfaisants à triompher sur la démocratie et le Parlement », a-t-il ajouté.  

En sa mémoire, la ville de Southend-on-Sea, que le député représentait, a obtenu de la reine Élisabeth II le statut de « cité » pour lequel il faisait campagne régulièrement.  

Les députés, qui s’étaient auparavant recueillis lors d’une minute de silence, sombrement vêtus et en rangs serrés, ont unanimement salué un homme « de conviction », Brexiter dans l’âme et fervent catholique, dont la gentillesse dépassait les clivages partisans.  

C’est le deuxième traumatisme en cinq ans, après l’assassinat de la députée travailliste Jo Cox en juin 2016 par un extrémiste de droite, juste avant le référendum du Brexit.

La vie politique a été électrisée ces dernières années par les débats autour du Brexit, des divisions que des députés ont appelé lundi à dépasser.  

Des centaines d’élus se sont ensuite rassemblés pour une cérémonie commémorative à l’église St Margaret, à l’abbaye de Westminster.

L’archevêque de Canterbury, Justin Welby, a salué un homme engagé et droit, qui avait « gagné l’admiration et l’affection de toutes parts, qu’elles soient ou non d’accord avec lui sur le plan politique ».  

« Le service public en politique est un sacrifice qui devrait être honoré et respecté, même quand les divergences d’opinions sont très profondes », a-t-il ajouté, appelant les députés à poursuivre leur engagement.  

Sécurité des élus

Alors que le Royaume-Uni a été visé ces dernières années par des attaques islamistes, perpétrées à l’arme blanche, le drame a aussi suscité des appels à renforcer la sécurité des élus.  

Plusieurs députés ont témoigné avoir reçu des menaces de mort qui les ont fait, pour certains, envisager de quitter la politique.

Si le gouvernement a évoqué la possibilité d’apporter une protection policière, au cas par cas, aux députés, le ministre de la Justice Dominic Raab a mis en garde lundi contre le risque de créer un « fossé » entre population et élus.  

« Cette attaque ne peut entraver la démocratie », a souligné le porte-parole de Boris Johnson, soulignant que toute mesure de protection devait être prise avec l’accord de l’élu concerné.  

L’épouse de David Amess s’est rendue sur les lieux du drame lundi, essuyant ses larmes tandis qu’elle lisait les messages d’hommage déposés aux côtés de nombreux bouquets de fleurs.

Les premiers éléments de l’enquête, confiée à la direction antiterroriste, révèlent « une motivation potentielle liée à l’extrémisme islamiste », selon la police.

Radicalisation en ligne

Les enquêteurs ont jusqu’à vendredi pour interroger le suspect, après l’avoir placé en détention en vertu de la loi sur le terrorisme.

Parmi les pistes envisagées, les enquêteurs examinent les liens de David Amess avec l’État du Qatar, selon le Times qui cite des sources expliquant que la « raison claire pour laquelle il a été ciblé n’a pas été établie ».

M. Amess était président du groupe parlementaire transpartisan sur les relations entre le Royaume-Uni et le Qatar et sa dernière visite dans le pays a eu lieu ce mois-ci.

D’autres médias, comme The Telegraph, avancent qu’il a été visé au hasard et que le suspect avait envisagé de tuer d’autres députés.

Selon un de ses amis, cité par le tabloïd The Sun, « il s’est complètement radicalisé sur l’internet » et s’est pris d’admiration pour le prêcheur Anjem Choudary, figure de la mouvance radicale islamiste de Londres.