François C. n’est pas d’accord, mais alors pas du tout. Il s’oppose totalement à l’imposition d’un « pass » sanitaire en France pour lutter contre la reprise épidémique de la COVID-19. Samedi dernier, il est allé manifester dans les rues de Lens (Nord), comme des milliers d’autres Français, pour faire entendre son mécontentement.

« L’ambiance était bon enfant, même s’il y a toujours des éléments qui essaient de faire de la casse », raconte-t-il.

François C. préfère taire son nom de famille. Il ne voudrait pas que ses positions se retournent contre lui. Mais quand on lui demande les raisons de son opposition, il devient intarissable.

Ce chauffeur d’autocar de 33 ans, père de jeunes enfants, estime que le président Emmanuel Macron va trop loin en instaurant ce passeport pour personnes vaccinées, qu’il juge profondément discriminatoire.

Mon état et ma condition de santé ne doivent pas être un frein à ma libre circulation. C’est un mode de société que nous ne connaissons pas et que nous refusons, car c’est absurde.

François C.

Membre du groupe Facebook Non au pass sanitaire obligatoire en France, qui réunit déjà plus de 100 000 membres, il n’est pas contre la vaccination dans l’absolu (« mes enfants ont tous reçu leurs vaccins »). Il estime toutefois que le gouvernement manque de « transparence » dans ce dossier délicat, et assure qu’il manifestera « autant de fois qu’il le faudra » pour faire valoir son point de vue.

Il espère seulement que la vaccination ne lui sera pas imposée contre son gré. Il fera « tout pour l’éviter, quitte à devenir hors-la-loi », dit-il.

Opposition grandissante

En France, le « pass sanitaire » est obligatoire depuis le 21 juillet dans les lieux de loisirs et de culture (cinémas, musées, théâtres) qui rassemblent plus de 50 personnes. Il sera étendu début août aux cafés-restaurants, foires et salons, avions, trains et cars long trajet, ainsi qu’aux établissements médicaux.

L’extension aux transports de longue distance entrera également en vigueur en août, la vaccination obligatoire pour les travailleurs de la santé, sous peine de suspension, est attendue pour la mi-septembre.

Ces nouvelles mesures, destinées à freiner la reprise épidémique en France, font débat et suscitent une opposition grandissante dans l’Hexagone.

PHOTO BENOIT TESSIER, ARCHIVES REUTERS

Le chef du parti de droite radicale Les Patriotes, Florian Philippot, a mené samedi l’une des manifestations à Paris.

Comme François, ils seraient plus de 161 000 Français à avoir manifesté samedi dernier, en scandant des slogans comme « Ni cobaye ni paria » ou « Pour la liberté ». Une augmentation de 27 % par rapport au samedi précédent. À Paris, l’une des manifestations était menée par Florian Philippot, ancien bras droit de Marine Le Pen au Front national, devenu chef du parti de droite radicale Les Patriotes.

Cette grogne est par ailleurs alimentée par les réseaux sociaux, où les messages se multiplient pour dénoncer les décisions unilatérales du gouvernement français et appellent à la mobilisation. On prévoit qu’ils seront encore plus nombreux ce samedi, alors que d’autres villes pourraient emboîter le pas.

Similitudes

Il n’en fallait pas plus pour que certains comparent ce mouvement de protestation à celui des gilets jaunes, qui avait enflammé le pays à la fin de 2018.

Une analyse des Renseignements territoriaux français, relayée mercredi dans les médias, note ainsi certaines similitudes entre les deux mouvements.

Comme les gilets jaunes, les « anti-pass » sont dans une large mesure des citoyens peu habitués à manifester. La mouvance n’a pas de leader et ils portent une couleur précise (en l’occurrence le blanc) pour s’identifier.

En revanche, le mouvement serait beaucoup plus hétérogène que celui des gilets jaunes, qui s’étaient au départ réunis sur les ronds-points pour dénoncer l’augmentation des taxes sur le carburant.

Chez les anti-pass, on trouve pêle-mêle des antivaccins, des gens opposés à la méthode employée pour élargir la vaccination, ceux et celles qui s’inquiètent de l’accès aux lieux publics, et enfin des antisystème au sens large. En outre, les gilets jaunes venaient des régions, alors que les anti-pass sanitaire seraient plutôt urbains.

« Point de connexion »

Pour le journaliste Romaric Godin, auteur du livre La guerre sociale en France, il est clair que gilets jaunes et t-shirts blancs ne sont pas comparables, même si l’on retrouve un peu des premiers chez les seconds.

Il note toutefois un autre point commun fondamental entre les deux mouvances, soit le rejet d’une forme d’autoritarisme.

« Ce qui est contesté, c’est la façon, précise-t-il. C’est ce côté très autoritaire dans la gestion de la crise sanitaire. Cette volonté d’encadrer la vie quotidienne. D’imposer des décisions qui viennent d’Emmanuel Macron, sans discussion préalable, sans débat démocratique. Et ça, je pense que c’est quelque chose qui est au cœur du mouvement de contestation qu’on connaît. Et c’est le point de connexion que je fais avec les gilets jaunes, ainsi qu’avec le mouvement contre la réforme des retraites. »

Réforme contestée à laquelle Macron n’a d’ailleurs pas renoncé, et qu’il compte mener à terme au retour des vacances, avec tous les risques que cela implique à moins d’un an de l’élection présidentielle.

Baisse de fréquentation

L’imposition du passeport sanitaire, entrée en vigueur depuis une semaine dans le milieu de la culture, a eu des effets immédiats, notamment dans le secteur du cinéma, où on aurait observé une baisse de la fréquentation allant « au-delà » de 50 %.

Il n’y a aucun doute à avoir : cette baisse est la conséquence directe de l’instauration du pass sanitaire.

Marc-Olivier Sebbag, délégué général de la Fédération nationale des cinémas français, à l’AFP

Du côté des grands musées parisiens, le choc est moindre, selon les établissements : joint par l’AFP, le Louvre explique avoir vu une légère baisse de fréquentation : - 17 % la semaine du 21 juillet par rapport à la semaine précédente.

La flambée des contaminations en France se poursuit avec 26 871 enregistrées mercredi, le chiffre le plus haut depuis la fin avril. À l’hôpital, le nombre de malades a atteint 7208 mercredi, soit 557 patients de plus en 24 heures, et 121 personnes ont été admises dans les services de soins critiques, portant le nombre total de malades de la COVID-19 dans ces services à 992. Quarante personnes sont décédées de la COVID en 24 heures.

Avec l’Agence France-Presse

50,5 % : proportion de la population française entièrement vaccinée en date de mardi

111 765 : morts causées par la COVID-19 en France

Source : ministère des Solidarités et de la Santé

En cas d’utilisation d’un faux passeport sanitaire, l’amende est de 135 euros. La sanction s’élèvera à six mois de prison et 3750 euros d’amende si cela se produit plus de 3 fois en 30 jours.

Source : Sénat français