(Berlin) L’Allemagne s’apprête lundi à prolonger, voire à durcir les restrictions face à la troisième vague de COVID-19 en pleine expansion, au risque de nourrir la grogne déjà croissante de l’opinion.

La chancelière Angela Merkel et les régions allemandes se retrouvent dans l’après-midi pour une nouvelle réunion sur la stratégie anti-pandémie.

Mais alors qu’elle devait être consacrée il y a quelques semaines encore à relâcher la pression, l’ordre du jour a complètement changé face à la propagation du variant britannique du virus, jugé plus infectieux et dangereux.

Selon un projet d’accord de la chancellerie, obtenu par l’AFP, il est prévu d’une part que le confinement partiel déjà en place dans le pays depuis fin 2020, et en l’état programmé jusqu’au 28 mars, soit « prolongé jusqu’au 18 avril » dans l’immédiat.  

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La chancelière Angela Merkel

« Sans restrictions significatives, le nombre de nouvelles infections augmenterait tellement que le système de santé risquerait d’être débordé dès le mois d’avril », prévient le texte, évoquant « une dynamique exponentielle » à l’œuvre.

Freinage d’urgence

En outre, les autorités allemandes entendent décréter des verrouillages supplémentaires au niveau local.

Le taux d’incidence national est en effet passé dimanche au-dessus du seuil de 100 (à 103,9), qui déclenche des « freins d’urgences », à savoir de nouvelles restrictions et fermetures.

Le projet d’accord demande qu’ils soient « mis en œuvre de manière conséquente » là où nécessaire, il prépare le terrain à la fermeture de certaines écoles tout juste rouvertes récemment et exhorte à éviter les déplacements pendant les congés de Pâques.

Pour l’opinion du plus grand pays de l’Union européenne, usée comme ailleurs par un an de pandémie, c’est la douche froide.

En trois semaines, la donne a complètement changé en Allemagne, « bonne élève » européenne de la gestion pandémique au printemps dernier et désormais menacée d’être submergée par la troisième vague.

Les réouvertures envisagées un temps à partir du le 4 avril, dans la restauration en plein air ou de lieux culturels et sportifs notamment, s’éloignent. Et un nouveau tour de vis se profile à l’inverse.

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Le théâtre Berliner Ensemble a ouvert ses portes aux spectateurs dans le cadre d’un projet-pilote permettant de faire des représentations devant un public préalablement testé, le 19 mars.

L’Allemagne tablait sur la montée en puissance de sa campagne de vaccination pour freiner cette dynamique. Mais elle compte parmi les pays européens les plus lents en la matière, avec moins de 10 % de la population ayant pu bénéficier d’une injection.

Les interrogations autour des risques possibles liés au vaccin d’AstraZeneca n’aident pas non plus à gagner la confiance de la population.

120 000 magasins menacés

En outre, « une analyse honnête de la situation montre qu’il n’y a pas encore assez de vaccins en Europe pour arrêter la troisième vague par la seule vaccination », admet aussi le ministre de la Santé, Jens Spahn, sous le feu des critiques pour sa gestion de la pandémie.

L’usure de la population et des secteurs économique et culturel se fait sentir un an après les premières fermetures provoquées par la pandémie.

Si les fermetures d’une grande partie des magasins perdurent, quelque 120 000 d’entre eux pourraient ainsi disparaître, estime l’Association allemande du commerce de détail.

Le monde de la culture appelle lui aussi à l’aide ou tente de proposer des protocoles permettant de rouvrir des lieux. Une dizaine de grandes scènes berlinoises ont ainsi entamé vendredi un projet pilote permettant de faire des représentations devant un public préalablement testé.

La popularité de la chancelière et surtout de son parti conservateur, plombé par des scandales d’enrichissement de députés grâce à des achats de masques, en pâtit.

La victoire de la droite aux élections de septembre, qui semblait acquise, n’est ainsi plus du tout assurée, selon de récents sondages qui lui donnent moins de 30 % contre 40 % il y a un an

Les manifestations d’opposants aux restrictions sont elles de plus en plus violentes, à l’image d’un rassemblement organisé samedi à Cassel, dans le centre de l’Allemagne, émaillé d’incidents avec la police. Selon un sondage publié dimanche, 60 % de la population est opposée à des restrictions plus strictes.