(Paris) « Nul ne sait dire ce qu’il aurait fait ce jour-là » : Emmanuel Macron a salué le « courage extraordinaire » de Michel Catalano, l’imprimeur pris en otage le 9 janvier 2015 par les frères Kouachi, à qui il a rendu visite jeudi à l’occasion de la Journée nationale des victimes du terrorisme.

Encore traumatisé par cette journée, l’imprimeur, un quinquagénaire calme et grave, a montré au président les traces de l’assaut des gendarmes qui ont abattu les deux assaillants, en cavale après avoir semé la mort à Charlie Hebdo deux jours plus tôt. Pour témoigner de cette violence, il a laissé intacte, dans le stationnement de son entreprise, une voiture criblée de balles qu’il veut donner au futur musée des victimes du terrorisme.

Accompagné de son épouse Brigitte, le chef de l’État a voulu rencontrer ce survivant des attentats de 2015 pour illustrer la deuxième Journée nationale des victimes du terrorisme, après avoir présidé dans la matinée une cérémonie aux Invalides.

François Hollande était venu inaugurer son imprimerie reconstruite en 2016, comme en attestent des photos épinglées sur un panneau. Jeudi, c’était au tour d’Emmanuel Macron de l’entendre dire qu’il a toujours « la boule au ventre » en ouvrant la porte de son entreprise. L’imprimeur lui a montré une photo de l’équipe, trouée d’une balle, et la cuisinette où s’était caché son salarié Lilian Lepère, sous l’évier.

Le chef de l’État a été particulièrement frappé par la manière dont le chef d’entreprise a protégé le jeune Lilian en taisant sa présence, malgré les questions insistantes des frères Kouachi, kalachnikov à la main. « Oui, je suis seul », leur affirme-t-il ce jour-là, deux fois, sans ciller.

Commence alors pour lui une heure et demie terrifiante, où il craint à chaque instant que les tueurs ne découvrent Lilian et les tuent tous les deux. Les terroristes lui demandent d’appeler la police, ils veulent en découdre. Il les convainc de laisser partir un fournisseur venu sonner.  

Enfin, les gendarmes arrivent. Échange de tirs. L’un des frères, blessé au cou, lui demande de lui poser un pansement, Michel Catalano s’exécute. Les deux assaillants le laissent sortir, Lilian reste caché à l’intérieur.

En fin d’après-midi, François Hollande ordonne de donner l’assaut à l’imprimerie ainsi qu’à l’Hyper Cacher de la porte de Vincennes, où leur complice Amedy Coulibaly s’est retranché avec des otages. Les trois hommes sont abattus. Michel Catalano retrouve son employé sain et sauf, mais son imprimerie détruite.

Il décide pourtant d’y rester travailler. Et même, comme preuve de liberté, de garder au mur les dessins de pin-up qui avaient ce jour-là déclenché la colère des deux tueurs.

« Il a été d’un courage extraordinaire pour sauver son salarié, son équipe, sa famille. Ça a été des mois pour que les vies se réparent », a commenté Emmanuel Macron avant d’inscrire sur un mur du souvenir : « Merci une fois encore pour l’exemple que vous avez donné. Nous sommes admiratifs et fiers du courage, de la résistance, du sens du devoir et de la mémoire et votre goût de l’avenir à tous ».

Hollande, Sarkozy et Riss

Emmanuel Macron, entouré de ses prédécesseurs Nicolas Sarkozy et François Hollande, avait auparavant déposé une gerbe aux Invalides devant la statue « La Parole portée », représentant une femme décapitée, dédiée à tous ceux tués dans des attentats.

Seule personne à prendre la parole, la chirurgienne Chloé Bertolus a lu un extrait du « Lambeau », le témoignage du journaliste Philippe Lançon, grièvement blessé dans l’attaque de Charlie Hebdo, et qu’elle a soigné.

« Il n’est pas facile d’être un survivant, partagé entre le bonheur d’être là et la culpabilité d’être passé à travers […] Et après, comment passe-t-on de survivant à vivant ? », a-t-elle lu.  

Après avoir échangé, en présence du caricaturiste Riss, directeur de Charlie Hebdo, avec les présidents de 13 associations de victimes, Emmanuel Macron s’est brièvement arrêté devant les grilles de l’Assemblée nationale, où sont accrochées des photos d’artistes prises le jour des attentats du 13 novembre, notamment celui du Bataclan.

Depuis janvier 2015, les attentats ont fait plus de 260  morts en France, les plus meurtriers ayant été ceux du 13 novembre 2015 avec 130 morts à Paris et Saint-Denis, et celui du 14 juillet 2016 à Nice (86 morts).

Au total, plus de 6300 victimes et proches ont été pris en charge par le Fonds de garantie des victimes (FGTI) depuis 2015.  

« La menace terroriste reste toujours élevée », souligne l’Élysée, en précisant que 33 attentats ont été déjoués depuis 2017.