(Kiev) L’Ukraine a accusé le géant américain Apple de « se foutre de sa douleur » pour avoir présenté dans ses applications comme russe la péninsule ukrainienne de Crimée, annexée en 2014 par Moscou.

Apple a apporté ces modifications dans deux de ses applications phares, Météo et Plans, après des pressions des autorités russes, qui étaient en négociation avec la firme américaine depuis mai.

« Laissez-moi vous expliquer en des termes que vous pourrez comprendre, Apple : imaginez que vous criiez sur tous les toits que votre design, vos idées, vos années de travail et une partie de votre cœur vous ont été volés par votre pire ennemi, mais qu’un ignorant se foute de votre douleur », a fustigé sur Twitter le chef de la diplomatie ukrainienne, Vadym Prystaïko.

« C’est ce que ça fait quand vous qualifiez la Crimée de territoire russe », a-t-il ajouté en interpellant Apple.  

Depuis mercredi, les villes de la péninsule telles que Simféropol ou Sébastopol apparaissent comme étant en « Crimée, Russie », lorsque le service de navigation et de météo du géant américain est utilisé depuis la Russie.

Les mêmes villes apparaissent sans État défini lorsque ces services sont utilisés depuis d’autres pays.

La majorité de la communauté internationale considère que la Russie a illégalement annexé la Crimée.

La décision du fabricant de l’iPhone a provoqué la consternation et des appels au boycottage sur les réseaux sociaux en Ukraine.

« Prenons tous leurs gadgets, jetons-les en tas sur une place publique et brûlons-les », abonde Igor Kravtchouk de Kharkiv, dans l’est de l’Ukraine.

« Boycottons Apple en faveur d’Android (le système du concurrent Google), un fabricant qui ne se plie pas à la volonté du Kremlin », écrit sur Facebook Yevgen Petrov de la ville de Jytomyr, dans l’ouest.

Le géant américain Google ne fait pas apparaître de pays spécifique pour les villes de Crimée dans son service de géolocalisation, ne mentionnant donc ni l’Ukraine ni la Russie.  

Il les orthographie toutefois « à la russe » lorsque le service est utilisé en Russie, et une frontière apparaît également dans ce cas entre la Crimée et l’Ukraine.

Plusieurs médias en Russie titraient pour leur part jeudi que « Apple a reconnu que la Crimée est russe ».

Proche soutien de l’Ukraine, la Lituanie a dénoncé le « point de vue ignorant » d’Apple. « Le statu quo n’a pas changé en Crimée : elle est toujours occupée par la Russie et est un territoire de l’Ukraine », a déclaré sur Twitter le chef de la diplomatie lituanienne, Lina Linkevicus.

« Les compagnies technologiques américaines devraient défendre les valeurs d’innovation qui ont rendu leur succès possible, pas s’incliner devant des dictateurs pour un peu d’argent dont ils n’ont pas besoin », a dénoncé sur Twitter l’ancienne vedette des échecs Gary Kasparov, qui vit aujourd’hui aux États-Unis et est un opposant de Vladimir Poutine.

Contacté par l’AFP, Apple en Russie n’a pas souhaité faire de commentaire.

«Se maintenir sur le marché»

Ces modifications ont été apportées par Apple après des négociations commencées en mai avec les autorités russes, qui exigeaient que la firme américaine se mette en conformité avec la loi russe, qui reconnaît la Crimée comme partie du territoire de la Russie.

« Nous allons rester vigilants pour qu’il n’y ait pas de retour en arrière », a indiqué mercredi le président du comité du Parlement russe pour la sécurité et la lutte anticorruption, Vassili Piskarev.

« Aujourd’hui, avec Apple, la situation est close. Nous constatons que tout s’est déroulé comme nous le voulions ni plus ni moins », s’est-il félicité.

« Nous ne pouvons que nous féliciter de la décision d’Apple, qui par sa décision a démontré sa volonté de maintenir et de développer sa position sur le marché russe », a abondé le président du comité sur la politique de l’information, Leonid Levine, cité par l’agence Interfax, tout en niant toute pression exercée sur Apple.

La décision d’Apple intervient également au moment où la Russie a adopté en novembre une loi interdisant la vente de téléphones, ordinateurs et télévisions connectées s’ils n’ont pas de logiciels russes préinstallés. Une mesure contestée par la firme à la pomme.

La portée de cette loi et sa mise en œuvre restent à définir avant son entrée en vigueur en juillet 2020.

L’annexion de la Crimée en 2014 à l’issue d’un référendum dénoncé comme illégal par Kiev et les Occidentaux a provoqué les plus fortes tensions internationales depuis la fin de la Guerre froide et a été suivie par une vague de sanctions contre Moscou.