(Paris) Paris compte développer des capacités d’autodéfense pour protéger ses satellites et muscler ses capacités de surveillance dans un espace de plus en plus militarisé, devenu le théâtre de confrontations entre puissances, a annoncé jeudi la ministre française des Armées, Florence Parly.

«Aujourd’hui, nos alliés et nos adversaires militarisent l’espace. Nous devons agir. Nous devons être prêts», a-t-elle souligné depuis la base de Lyon-Mont Verdun, en dévoilant la nouvelle stratégie spatiale de défense de la France.

«Des satellites espionnés, brouillés, ou encore éblouis : les moyens de gêner, neutraliser ou détruire les capacités spatiales adverses existent et se développent», a souligné Mme Parly, en rappelant le cas du «satellite-espion» russe Louch-Olympe qui avait tenté en 2017 de s’approcher du satellite militaire franco-italien Athena-Fidus et qui «a, depuis, laissé sa carte de visite à 8 nouveaux satellites» de différentes nationalités.

Les plus grandes puissances spatiales mondiales – États-Unis, Chine et Russie – sont engagées depuis plusieurs années dans une course pour la domination de l’espace. Et en mars dernier, L’Inde a rejoint le club très fermé des nations capables d’abattre par un tir de missile un satellite dans l’espace.

Mise au défi de réagir pour protéger ses satellites, indispensables aux opérations militaires et à la sécurité nationale, la France va investir dans des capacités offensives pour être capable de riposter en cas de menace.

Lasers et mitrailleuses

«Si nos satellites sont menacés, nous envisagerons d’éblouir ceux de nos adversaires. Nous nous réservons le moment et les moyens de la riposte : cela pourra impliquer l’emploi de lasers de puissance déployés depuis nos satellites», a annoncé Florence Parly.

«Nous développerons des lasers de puissance. C’est un domaine dans lequel la France a pris du retard. Mais nous le comblerons», a-t-elle ajouté.

Paris envisage également d’équiper ses satellites de «mitrailleuses à même de casser les panneaux solaires d’un satellite à l’approche», indique-t-on de source gouvernementale.

La France va parallèlement renforcer ses capacités de surveillance de l’espace, alors que le nombre d’objets en orbite, 2000 aujourd’hui, devrait atteindre les 8000 à moyens terme.

«Il nous faut pouvoir détecter et attribuer les actes suspects, inamicaux voire hostiles à nos satellites militaires et nos intérêts spatiaux», a affirmé la ministre, en invitant à bâtir «avec nos partenaires européens une future capacité commune de connaissance de la situation spatiale», en particulier avec l’Allemagne.

Les satellites de télécommunications militaires Syracuse sont en passe d’être équipés de caméras. La France va également investir à partir de 2023 dans des nano-satellites patrouilleurs, «de redoutables petits détecteurs qui seront les yeux de nos satellites les plus précieux», selon Mme Parly.

700 millions d’euros supplémentaires

Le réseau français de téléscopes Tarot sera densifié, le radar de surveillance spatiale GRAVES sera modernisé. Paris compte enfin «expérimenter un démonstrateur de radar de très longue portée, un outil précieux face à la menace croissante des missiles», a-t-elle ajouté.

Pour piloter tous ces moyens, un «grand commandement de l’espace » sera créé en septembre au sein de l’armée de l’Air, qui deviendra à terme « l’armée de l’Air et de l’Espace », a rappelé la ministre. A terme, ce nouveau commandement sera installé à Toulouse (sud-ouest), centre névralgique de l’aérospatiale française.

Au niveau juridique, le ministère des Armées compte modifier la loi française sur les opérations spatiales de 2008, qui place celles-ci sous l’autorité civile du Centre national d’études spatiales (CNES), pour devenir « opérateur spatial » et gagner une « autonomie d’action ».

Au total, Paris compte investir 700 millions d’euros supplémentaires dans le spatial militaire d’ici 2025, en complément des 3,6 milliards d’euros déjà prévus pour le renouvellement complet des capacités satellitaires françaises.

La Loi de programmation militaire française (PME) 2019-2025 prévoit en l’état un budget de 3,6 milliards d’euros pour le spatial de défense. Il doit notamment permettre de financer le renouvellement des satellites français d’observation CSO et de communication (Syracuse), de lancer en orbite trois satellites d’écoute électromagnétique (CERES) et de moderniser le radar GRAVES.

Avec ses deux milliards d’euros d’investissements annuels dans le spatial militaire et civil, la France reste encore loin derrière le trio de tête du secteur : les États-Unis investissent annuellement 50 milliards de dollars dans le spatial, la Chine 10 milliards et la Russie 4 milliards, selon les chiffres du gouvernement français.