L'un des malfaiteurs est mort mais les autres se sont enfuis avec sans doute des millions d'euros : au lendemain du braquage d'un avion sur le tarmac digne d'Hollywood, la sécurité de l'aéroport Mère-Teresa de Tirana était mise en question mercredi.

«L'armée va prendre en charge la sécurité de l'aéroport», a annoncé le ministre de la Défense Olta Xhacka.

Selon les premiers éléments de l'enquête, les passagers du vol OS848 d'Austrian Airlines pour Vienne sont dans l'appareil quand les assaillants arrivent sur le tarmac. Dans la soute, une forte somme d'argent en liquide doit être embarquée : pour des raisons de sécurité, la banque centrale albanaise n'accepte pas les dépôts de devises étrangères des banques, qui sont donc envoyées en Autriche.  

Lourdement armés, masqués et portant des uniformes, les malfaiteurs s'emparent de leur butin et s'enfuient. Le tout dure moins de cinq minutes.  

Dans la fusillade qui s'ensuit avec la police, l'un des malfaiteurs, Admir Murataj, dont le visage est dissimulé par un masque de silicone, est tué. Il avait sur lui un fusil d'assaut, une grenade, de nombreuses munitions. Les autres échappent aux forces de l'ordre, malgré le déploiement de forces d'élite épaulées par deux hélicoptères.  

Le montant du butin n'a pas été révélé par la police, mais la presse albanaise avance des chiffres de 2,5 à 10 millions d'euros. 

La famille d'Admir Murataj a identifié son corps mercredi. Il faisait partie d'un groupe vraisemblablement composé de quatre hommes qui, mardi en début d'après-midi, s'est introduit par une entrée normalement réservée aux pompiers à bord d'une fourgonnette marquée du sigle de l'administration fiscale, volée et munie de fausses plaques d'immatriculation.

Malfaiteur connu

Admir Murataj n'était pas un inconnu : selon les médias, il s'était évadé en 2013 d'une prison grecque avec une dizaine d'autres malfaiteurs albanais. Il était aussi le principal suspect du braquage d'un convoyeur de fonds sur la route entre Tirana et l'aéroport en 2016.

Ce n'est pas la première fois que ces fonds suscitent la convoitise des braqueurs, qui opéraient jusqu'alors sur la route de l'aéroport. En février 2017, les voleurs étaient repartis avec 3,2 millions d'euros, et en juin 2016, ils s'étaient emparés de 995 000 euros, après deux autres attaques en 2015.  

Mercredi, les critiques se sont multipliées sur les mesures de sécurité à l'aéroport, surtout que l'attaque est survenue le jour de la visite à Tirana d'un haut responsable américain, Matthew Palmer.  

Les enquêteurs s'interrogent aussi sur les complicités dont ont bénéficié les braqueurs, visiblement bien renseignés. Plusieurs dizaines de personnes ont été interrogées, notamment des membres du personnel de sécurité.  

«Incompétence désarmante»

«Les mesures de sécurité à l'intérieur de l'aéroport ont complètement échoué», a déclaré Spiro Brumbulli, secrétaire général de la société des banques albanaises, relevant qu'elles sont assurées par une société privée. L'aéroport lui-même est géré depuis 2016 par une entreprise chinoise concessionnaire, China Everbright Limited.

«La société chinoise n'a pas réussi à garantir la sécurité de l'aéroport de Tirana», a déploré le premier ministre Edi Rama. «L'État albanais n'acceptera aucune justification de la part de cette société et reprendra le contrôle de la sécurité intérieure et extérieure de l'aéroport», a-t-il tweeté.

Des accusations rejetées par la société, qui a affirmé dans un communiqué avoir «respecté toutes ses obligations».  

«C'est une affaire très grave et malheureusement pas inédite», a réagi de son côté la ministre des Infrastructures, Belinda Balluku. «Les multiples démarches des autorités gouvernementales en vue d'imposer à la société chinoise concessionnaire les investissements nécessaires pour le système de sécurité n'ont pas été prises en considération», a-t-elle regretté, reconnaissant que «l'aéroport était très vulnérable» face à ce type d'attaques.  

L'opposition au premier ministre socialiste Edi Rama s'en est prise à l'incompétence désarmante» du gouvernement. Les autorités «sont très compétentes pour réprimer avec du gaz lacrymogène et les matraques de centaines de policiers les manifestants de l'opposition, mais ne le sont pas pour sécuriser le seul aéroport du pays», a commenté Gazmend Bardhi, le secrétaire général du Parti démocratique (centre droit).  

Insistant sur le fait que les passagers et l'équipage de l'avion du vol OS848 n'avaient jamais été en danger, une porte-parole d'Austrian Airlines, Tanja Gruber, a annoncé que sa compagnie ne convoierait plus ces fonds.

AFP

L'Airbus A320 d'Austrian Airlines après le braquage, mardi.