Confronté à un niveau de demandes d'asile albanaises qu'il juge «injustifié», le gouvernement français compte mettre les bouchées doubles pour dissuader les candidats originaires de ce pays considéré comme «sûr» et qui rêve d'intégrer l'UE.

Le ministre de l'Intérieur français Christophe Castaner, qui a reçu son homologue albanais Aleksander Lleshaj, a annoncé mercredi une série de mesures pour lutter contre l'immigration irrégulière et «renforcer le nombre d'éloignements».

Echange d'information, lutte contre les réseaux de passeurs, vigilance sur les mineurs tentant le voyage seuls... le plan s'inscrit dans la continuité de mesures lancées en 2017 par le précédent ministre de l'Intérieur, Gérard Collomb.

Mais une large partie porte sur la demande d'asile, qui reste à un niveau élevé en France, avec 8261 dossiers déposés l'an dernier par des ressortissants d'Albanie (ce qui en faisait le deuxième pays d'origine derrière l'Afghanistan).  

Même si, dans le sillage du plan de 2017, les demandes ont baissé de 30% en 2018, la tendance est repartie à la hausse en fin d'année et l'Albanie, considérée comme un pays sûr, reste dans le peloton de tête des pays d'origine des demandeurs.

«Le niveau injustifié de cette demande d'asile doit encore baisser, c'est l'objet des décisions fortes que nous avons prises», a assuré M. Castaner dans le communiqué.  

La France concentre 64% des demandes d'asile albanaises en Europe, ce qui est considéré au minstère de l'Intérieur comme «une anomalie historique complète», d'autant que l'Albanie figure sur la liste des pays d'origine sûr. Comment expliquer ce phénomène?

Les Albanais «peinent à entrevoir des perspectives d'avenir», soulignait l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) dans son rapport 2017, en soulignant qu'«un nombre important de déboutés dans les pays limitrophes dépose une demande d'asile en France».

«Attractivité»

Côté gouvernement, on pointe l'«attractivité» du système d'asile français, dont le plan compte «examiner les facteurs structurels» au regard des autres dispositifs européens, selon le communiqué.

Il y a certes le taux de protection des Albanais, supérieur en France au reste de l'Europe (un peu plus de 10% contre 5% ailleurs). Mais ce taux reste faible. Et l'exécutif a peu de marge de manoeuvre, l'Office des réfugiés (OFPRA) jouissant d'une indépendance jalousement réaffirmée à l'occasion du départ de son ancien patron, Pascal Brice.  

Alors que son successeur, Julien Boucher, doit arriver après sa confirmation par le Parlement, le gouvernement compte en revanche «accélérer les procédures d'asile», c'est à dire réduire les délais d'examen pour les Albanais.  

Ceux-ci atteignent plus de trois mois à l'OFPRA et plus de quatre pour le recours à la cour d'appel (CNDA), selon l'intérieur. Le délai réglementaire pour les pays d'origine sûre est légalement fixé à 2 semaines à l'OFPRA et 5 semaines à la CNDA.

Du point de vue des pouvoirs publics, cet étirement des délais pèse sur les finances et les structures d'accueil, au détriment de demandeurs plus susceptibles d'obtenir le statut de réfugié.

D'autres arbitrages, qui ne sont pas encore rendus, pourraient porter sur les modalités de délivrance de l'allocation pour demandeur d'asile ou son montant (qui est de 6,80 euros par jour actuellement) : selon une source proche du dossier, une piste étudie une modulation de 25% pour les déboutés originaires de pays sûrs.  

M. Castaner a précisé qu'il se rendrait en Albanie «dans les prochains mois» pour «faire un point sur la mise en oeuvre de ces mesures», avec un partenaire d'autant plus disposé à coopérer qu'il cherche depuis 2014 à entrer dans l'UE et s'irrite de l'image renvoyée par cette migration.

M. Castaner se rendra auparavant en Géorgie, qui pose un problème similaire à celui de l'Albanie : pays sûr, dont les ressortissants n'ont plus besoin de visa... mais fournissant un nombre croissant de demandeurs d'asile (6717 dossiers l'an dernier, soit le troisième pays du tableau).

«Les actions sont menées en parallèle», assure-t-on à l'Intérieur. Une coopération bilatérale avait été lancée en juillet dernier avec la Géorgie.