Sortie sans accord, maintien dans l'union douanière, renoncement au Brexit... : les députés britanniques votent mercredi sur huit alternatives à l'accord de divorce conclu par la première ministre Theresa May, ce qui pourrait potentiellement redéfinir le processus de sortie de l'Union européenne.

Ces votes « indicatifs » ne sont toutefois pas contraignants pour le gouvernement et Theresa May a déjà annoncé qu'elle s'opposerait au choix des députés s'il venait contredire les engagements de son Parti conservateur en faveur d'une sortie du marché unique et de l'Union douanière européenne.

« L'objectif que nous devrions tous avoir est de mener à bien le Brexit », a martelé Mme May lors de la séance hebdomadaire de questions à la première ministre. « Et la manière de garantir le Brexit est de voter pour l'accord » de retrait conclu avec Bruxelles, a-t-elle souligné.

Les élus se prononceront à partir de 15 h sur les huit propositions sélectionnées par le président de la Chambre des communes, le « Speaker » John Bercow.

Parmi les options formulées figure également l'organisation d'un référendum sur l'accord de divorce qui sera choisi. M. Bercow n'a en revanche pas choisi la proposition d'une nouvelle consultation sur le Brexit, déjà rejetée par les députés à la mi-mars.

Les députés revoteront lundi pour affiner leur choix.

« Changer de cap, ou partir »

En procédant ainsi, ils veulent dégager une alternative au Traité de retrait conclu en novembre par Mme May avec Bruxelles, qu'ils ont déjà rejeté deux fois, en janvier et mi-mars, mais que la dirigeante conservatrice entend toujours faire passer.

« Il est peu probable que les votes d'aujourd'hui révèlent une majorité pour quoi que ce soit », a souligné sur la BBC le député conservateur Oliver Letwin, qui a oeuvré pour que le Parlement prenne le contrôle de l'agenda du Brexit. « Mais j'espère que d'ici lundi, nous pourrons trouver une majorité en faveur d'une ou plusieurs propositions ».

Signe de la faiblesse de sa position, Theresa May n'a imposé aucune consigne de vote aux élus de la majorité, plusieurs membres de son gouvernement ayant menacé de démissionner si elle avait cherché à le faire.

« La première ministre ne peut concrétiser le Brexit parce qu'elle est incapable de construire un consensus ou d'élaborer un compromis », a cinglé Jeremy Corbyn, le leader du Parti travailliste, principale formation d'opposition. Elle « est confrontée à un choix très clair : elle doit écouter (le Parlement) et changer de cap, ou partir ».

La prise de contrôle de l'agenda par le Parlement a conduit certains fervents Brexiters, dont Boris Johnson ou Jacob Rees-Mogg, président de l'European Research Group, un groupe influent de 60 à 85 députés partisans d'un Brexit sans concession, à annoncer qu'ils pourraient désormais soutenir l'accord de Mme May, de crainte que le Brexit n'ait finalement pas lieu.

Mais la partie est loin d'être gagnée pour la première ministre : son allié au Parlement, le parti nord-irlandais DUP, a annoncé qu'il n'avait aucune intention de voter pour son accord « toxique ».

Mme May doit s'adresser en fin d'après-midi aux députés conservateurs, avant les votes. Nigel Evans, élu conservateur du nord-ouest de l'Angleterre, l'a enjointe de leur annoncer son départ si elle veut que son accord passe.

Downing Street a répété mercredi que cet accord ne serait représenté au vote qu'à la condition qu'il ait une chance « réaliste » d'être approuvé.

Soyez « ouverts à une longue prolongation »

L'exécutif fait toutefois face à un autre écueil : alors que ce troisième vote sur cet accord aurait dû intervenir la semaine dernière, il avait été bloqué par le « Speaker », au motif qu'un même texte ne pouvait être présenté une nouvelle fois sans modification.

John Bercow a rappelé mercredi qu'il n'accepterait un nouveau vote qu'en cas de « changement » significatif, jetant un doute sur la possibilité que les récentes décisions des dirigeants de l'UE puissent satisfaire cette condition.

Les députés doivent aussi entériner le report de la date du Brexit, initialement prévu le 29 mars, après l'accord donné la semaine dernière par les dirigeants européens.

Anticipant un possible rejet du Traité de retrait, les 27 ont laissé à Mme May le choix entre deux options. Soit l'accord est adopté et le report sera de courte durée, jusqu'au 22 mai. Soit l'accord est rejeté, et Londres aura jusqu'au 12 avril pour présenter une alternative et demander un nouveau report, qui impliquerait la tenue d'élections européennes dans le pays fin mai.

À Strasbourg, le président du Conseil européen Donald Tusk a appelé mercredi les eurodéputés à être « ouverts à une longue prolongation, si le Royaume-Uni souhaite repenser sa stratégie sur le Brexit ».