Le fondateur controversé de WikiLeaks, Julian Assange, ne devra finalement pas répondre à des accusations de viol devant la justice suédoise, mais il demeure sous la menace d’une extradition aux États-Unis.

La procureure suédoise responsable du dossier, Eva-Marie Persson, a déclaré mardi qu’elle avait décidé de fermer l’enquête en cours à ce sujet après avoir constaté qu’elle manquait de preuves concluantes pour obtenir une condamnation.

Elle a précisé que la plaignante avait offert une version « crédible et fiable », mais que les entrevues menées auprès de témoins présumés avaient donné des résultats moins concluants en raison du temps écoulé depuis l’agression alléguée.

La justice suédoise avait interrompu une première fois son enquête en 2017 faute de pouvoir interroger Julian Assange, qui s’était réfugié dans l’ambassade d’Équateur à Londres en 2012 pour éviter d’être extradé vers le pays nordique.

La décision de reprendre la procédure avait été prise en mai après que les autorités anglaises eurent été autorisées à pénétrer dans l’établissement pour procéder à son arrestation.

Il a été condamné ensuite à une peine de prison de 50 mois par un tribunal anglais pour avoir bafoué les conditions de libération provisoire imposées en 2012 en attendant une décision relativement à l’extradition demandée par la Suède.

Complot ou travail journalistique ?

Julian Assange, qui demeure détenu, est loin d’être tiré d’affaire, puisqu’il fait l’objet d’une demande d’extradition de la part des États-Unis susceptible de lui valoir une lourde peine d’emprisonnement.

Dans l’acte d’accusation dévoilé en mai, il est accusé d’avoir comploté avec une ex-analyste militaire, Chelsea Manning, pour l’aider à obtenir un mot de passe devant lui permettre de subtiliser des documents sensibles pour la sécurité nationale.

La justice américaine lui reproche par ailleurs de les avoir diffusés en 2010 par l’entremise de WikiLeaks en révélant du même coup, sans considération pour leur sécurité, les noms de nombreuses personnes ayant fourni de l’information aux forces américaines en Irak et en Afghanistan.

La publication des documents avait entraîné d’embarrassantes révélations sur les actions des soldats dans ces deux pays ainsi que sur les pratiques diplomatiques américaines.

L’éditrice de WikiLeaks, Kristinn Hrafnsson, a indiqué mardi en réaction à la décision de la justice suédoise qu’il fallait maintenant porter attention à la poursuite « belliqueuse » mise en branle par les États-Unis et la « menace qu’elle représente » pour la liberté d’expression.

La demande d’extradition américaine doit être entendue par un tribunal anglais à la fin du mois de février.

L’initiative de Washington avait suscité des réactions inquiètes au sein de la communauté journalistique.

Le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) a notamment dit craindre, dans une analyse parue au printemps, que l’acte d’accusation vise en fait à « punir Assange pour avoir publié des informations confidentielles » et ait pour effet de « criminaliser des activités journalistiques normales ».

Le journaliste Glenn Greenwald, qui avait joué un rôle clé dans la diffusion de documents dérobés par Edward Snowden relativement aux pratiques de surveillance du gouvernement américain, a aussi sonné l’alarme à ce sujet.

Il avait déclaré au moment de l’arrestation de Julian Assange que WikiLeaks n’avait pas « fait autre chose que de recevoir passivement des documents volés par une source et de les publier ensuite ».

Le détenu a aussi reçu plus récemment un appui sans condition du rapporteur spécial des Nations unies sur la torture, Nils Melzer, qui réclame la suspension de la procédure d’extradition et sa libération dans les plus brefs délais, notamment pour des raisons de santé.

« L’arbitraire flagrant et soutenu dont ont fait preuve tant le pouvoir judiciaire que le gouvernement dans cette affaire laisse présager un écart alarmant par rapport à l’engagement du Royaume-Uni en faveur des droits de l’homme et de l’État de droit », a-t-il dénoncé au début du mois de novembre.