Le gouvernement allemand sonne l’alarme relativement à la menace que pose l’extrême droite à la suite d’une série d’attaques visant des politiciens favorables à l’accueil de réfugiés.

Dans une tribune parue samedi dans le journal Bild, le ministre des Affaires étrangères, Heiko Maas, a prévenu que des élus étaient « de nouveau » dans le collimateur « de terroristes d’extrême droite » 80 ans après l’accession au pouvoir du régime nazi.

Il a précisé que les personnes visées avaient été choisies en raison de « leurs convictions » et de leur « dévouement au pays ».

La chancelière Angela Merkel a insisté sur le sujet lors d’une allocution prononcée le même jour dans la ville de Dortmund, affirmant que le combat contre l’extrême droite représente un « énorme défi pour nous tous ».

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L’élu Walter Lübcke a été tué chez lui, à Cassel, au début du mois de juin.

Les sorties de la dirigeante allemande et du ministre Maas font écho à l’assassinat d’un élu de 65 ans de la ville de Cassel, Walter Lübcke, qui a été tiré à la tête devant sa résidence le 2 juin.

Les enquêteurs, après avoir évoqué la piste de l’extrême droite, ont arrêté un homme de 45 ans, Stephan Ernst, avec un long historique de violence raciste.

Il avait fait de la prison après avoir tenté de faire exploser une bombe devant un centre pour réfugiés en 1993.

Le Spiegel rapporte que Stephan Ernst a visé Walter Lübcke parce que le politicien avait tenu en 2015 un discours dans lequel il appuyait la politique de « frontières ouvertes » défendue à l’époque par la chancelière.

M. Lübcke avait déclaré que les Allemands qui n’étaient pas contents des valeurs défendues par son gouvernement « étaient libres de quitter le pays quand ils le voulaient ».

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Walter Lübcke, élu de la ville de Cassel assassiné le 2 juin

La vidéo de son intervention avait été largement partagée en ligne dans les forums d’extrême droite, faisant de l’élu une cible des mouvances extrémistes.

Les autorités allemandes ont indiqué qu’elles poursuivaient leur enquête afin de déterminer si son agresseur avait agi seul, comme il le prétend, ou en lien avec des groupes d’extrême droite.

Deux autres politiciens menacés

Deux autres politiciens ayant ouvertement défendu la politique d’accueil favorisée par Angela Merkel lors de la crise des réfugiés de 2015 ont reçu des menaces de mort au cours des dernières semaines.

La mairesse de Cologne, Henriette Reker, a notamment été visée. Elle avait été grièvement blessée il y a quatre ans après qu’un militant d’extrême droite l’eut attaquée avec un poignard.

Le maire d’une ville de l’ouest du pays, Altena, a également reçu des messages préoccupants. Andreas Hollstein avait été blessé par un extrémiste lors d’un incident survenu il y a deux ans dans un restaurant.

Son agresseur avait protesté contre la présence de migrants dans le pays avant de le blesser au cou avec un couteau. L’homme de 56 ans a été condamné à une peine légère après avoir réussi à convaincre le tribunal qu’il souhaitait intimider l’élu et non le tuer.

La ville d’Altena avait reçu en 2017 un prix national pour souligner ses efforts en matière d’intégration des migrants.

Vives tensions

Les événements violents survenus au cours des dernières semaines ne sont que la plus récente illustration des vives tensions suscitées en Allemagne par la crise des réfugiés et ses suites.

La polémique à ce sujet a considérablement affaibli politiquement Angela Merkel et favorisé l’entrée au Bundestag de l’Alternative pour l’Allemagne (AfD), une formation d’extrême droite.

La question de l’attitude à adopter face aux réfugiés continue de susciter des tensions au sein même du parti de Mme Merkel, la CDU, qui entend sanctionner toute personne préconisant de coopérer avec l’AfD.

Le secrétaire général de la CDU a rappelé au cours des derniers jours que la formation de l’opposition tolère l’extrémisme de droite, l’antisémitisme et le racisme parmi ses membres.