Le gouvernement français espérait dimanche que la forte baisse de la mobilisation des « gilets jaunes » la veille sonne le clap de fin de ce mouvement social inédit commencé il y a un mois tout en reconnaissant avoir « fait des erreurs » dans la gestion de la crise, qui a secoué la présidence d'Emmanuel Macron.

Dans une interview au journal Les Echos mis en ligne dimanche soir, le premier ministre français Edouard Philippe a concédé que l'exécutif n'avait « pas assez écouté les Français » et détaillé les modalités des mesures en faveur des « gilets jaunes » annoncées lundi dernier par le président Macron.

La cinquième journée de manifestations a réuni samedi moitié moins de personnes dans les rues de France que les semaines précédentes, marquant, selon Jérôme Sainte-Marie, sondeur à l'institut Pollingvox, « la fin d'un cycle de mobilisation ».  

Depuis le 17 novembre,  les « gilets jaunes » -ces Français modestes se plaignant d'une fiscalité excessive et d'un pouvoir d'achat insuffisant-bloquent rond-points et axes routiers à travers la France.

Si tous les blocages ne se lèveront pas en un jour, le gouvernement français ne cachait pas son soulagement.

« Les combats sont finis, le débat c'est maintenant », a souligné dimanche le président de l'Assemblée nationale Richard Ferrand.

Mais pas question de crier victoire et encore moins de conclure à une quelconque défaite des « gilets jaunes » qui ont obtenu bien plus que les syndicats ou partis d'opposition avant eux.

Annulation d'une taxe sur le carburant, gel des tarifs de l'électricité et du gaz, hausse de 100 euros par mois pour les salariés payés au salaire minimum, annulation d'une hausse d'impôt sur les petites retraites... la liste des concessions arrachées au président Macron est longue.  

Dans l'entretien aux Echos, M. Philippe a chiffré ces mesures à environ « 10 milliards d'euros » de quoi creuser le déficit en 2019 à 3,2 % du PIB (contre les 2,8 % prévus).

Elections européennes

Richard Ferrand a encouragé les gilets jaunes à s'exprimer via « une plateforme de propositions » ou lors des prochaines élections, notamment aux européennes de mai 2019.  

Mais certains partis en place espèrent les ramener dans leur giron. Le chef de file de la France insoumise (gauche radicale) Jean-Luc Mélenchon a estimé dimanche que le mouvement des « gilets jaunes » lui donnait « entièrement raison », jugeant qu'il reprenait « 70 % » de son programme de la présidentielle 2017.

L'ancien candidat socialiste à la présidentielle et fondateur de Générations, Benoît Hamon, a lui dit craindre que la présidente du Rassemblement national (RN), Marine Le Pen, rafle la mise et soit élue à la tête de l'État en 2022, estimant que la dirigeante d'extrême droite est « hélas dans notre pays l'alternative la plus immédiate pour les Français qui appartiennent aux classes populaires ».

Le RN (ex-FN, 21 %) et La République en Marche de M. Macron (20 %) arrivent largement en tête des intentions de vote pour les élections européennes, selon un récent sondage.

« Risque de reprise »

Après quatre samedis de manifestations à Paris et en régions, dont trois émaillés de spectaculaires violences et dégradations, « ça s'apaise, mais ce qui reste de tout ça c'est une détestation très forte d'Emmanuel Macron », estime Hervé le Bras, de l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS).  

La popularité du président est tombée à 23 % de « satisfaits » (-2 points), contre 76 % de « mécontents » (+3 points), selon un sondage publié par l'hebdomadaire Journal du Dimanche.

Emmanuel Macron « sera désormais obligé d'avoir une attitude plus attentive avec les corps intermédiaires, les syndicats ou les maires, et même directement au contact avec les Français », souligne le sondeur Jean-Daniel Levy, de Harris Interactiv.

Après la contestation de la taxe carbone, les revendications des « gilets jaunes » se sont rapidement élargies à la question globale du pouvoir d'achat avant de déborder sur d'autres thèmes. Samedi, les manifestants étaient nombreux à réclamer l'organisation d'un référendum d'initiative citoyenne, comme en Italie ou en Suisse.

Le premier ministre Édouard Philippe a estimé à cet égard dimanche que l'idée était un « bon instrument dans une démocratie », mais « pas sur n'importe quel sujet ni dans n'importe quelles conditions ».  

Pour Jérôme Sainte-Marie, l'exécutif a vraiment intérêt à tenir ses promesses.

« Si jamais les mesures concernant le pouvoir d'achat ne sont pas appliquées, il y a un risque de reprise de mobilisation très important. Car les gens ont pris conscience de leur pouvoir », dit-il.

L'essoufflement du mouvement est également vécu comme un soulagement pour l'économie française et notamment pour les petits commerces, qui, à l'approche des fêtes, ont fortement souffert de la mobilisation.