Moscou a nié lundi avoir voulu pirater l'Organisation internationale pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC), assurant que l'expulsion en avril de quatre hommes présentés comme des espions russes par les Pays-Bas relevait d'un « malentendu » et ne se fondait sur aucune preuve.

Dans une ambiance digne de la Guerre froide prévalant depuis l'empoisonnement en mars au Royaume-Uni de l'ex-agent double russe Sergueï Skripal, plusieurs pays occidentaux ont accusé la semaine dernière Moscou d'avoir orchestré une série de cyberattaques d'ampleur mondiale.

Parmi ces cyberattaques figure une tentative de piratage de l'OIAC, pour laquelle quatre Russes détenteurs de passeports diplomatiques ont été arrêtés et expulsés, soupçonnés d'être des agents du renseignement militaire russe, le GRU.

Selon les autorités néerlandaises, ces hommes avaient garé un véhicule truffé d'équipements électroniques sur le stationnement d'un hôtel proche du siège de l'OIAC, à La Haye, dans le but de pirater à distance son système informatique.

Cette tentative de piratage se serait déroulée au moment où l'OIAC enquêtait sur l'empoisonnement de Sergueï Skripal, mené selon Londres par des agents du GRU. Moscou a fermement démenti toute implication.

L'organisation enquêtait également sur une attaque chimique présumée à Douma en Syrie, imputée par les Occidentaux aux forces gouvernementales syriennes soutenues par Moscou.

Mais lundi, le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov a assuré qu'il n'y avait « rien de secret dans le voyage des spécialistes (russes) aux Pays-Bas ».

« Ils ne se sont pas cachés lorsqu'ils se sont installés à l'hôtel, ni lorsqu'ils étaient à l'aéroport, ni lorsqu'ils se sont rendus à l'ambassade. Ils se sont fait arrêter sans explications. Cela avait l'air d'être un malentendu », a-t-il déclaré.

M. Lavrov n'a pas indiqué quelle était la « spécialité » des personnes arrêtées aux Pays-Bas, évoquant un « voyage de routine » sans donner davantage de détails.

Parallèlement, l'ambassadeur néerlandais à Moscou devait être convoqué lundi au ministère russe des Affaires étrangères pour évoquer « la campagne de désinformation organisée à La Haye ».

« Campagne de désinformation »

Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a pour sa part assuré que La Haye n'avait apporté aucune preuve aux accusations visant Moscou et s'est dit prêt à examiner d'éventuelles informations fournies par les Pays-Bas via « les canaux habituels de travail » et non via les médias.

Les services secrets néerlandais et britanniques ont affirmé avoir trouvé dans la voiture des agents russes présumés un ordinateur portable et une facture de taxi pour une course du siège du GRU à l'aéroport Cheremetievo de Moscou.

L'ordinateur portable retrouvé présentait des signes de connexion aux réseaux du Brésil, de la Suisse et de la Malaisie, et pour ce dernier pays en liaison avec l'enquête sur la destruction en 2014 de l'avion du vol MH17 de la Malaysia Airlines au-dessus de l'Ukraine.

Les autorités néerlandaises ont en outre présenté à la presse les passeports diplomatiques des quatre Russes impliqués, identifiés comme Alexeï Morenets, Evgueni Serebriakov, Oleg Sotnikov et Alexeï Minine.

Après la révélation de ces informations jeudi, la Russie avait dénoncé « un acte de propagande » et ironisé sur l'« espionnite aiguë » qui s'est, selon elle, emparée des Occidentaux.

Rajoutant aux accusations, plusieurs pays occidentaux ont mis en cause la semaine dernière le GRU dans une série de cyberattaques visant notamment l'Agence mondiale antidopage (AMA), le Comité olympique international (CIO), les Fédérations internationales de football (FIFA) et d'athlétisme (IAAF) ou le Tribunal arbitral du sport (TAS), ainsi que plus d'une trentaine d'instances nationales dont les agences antidopage canadienne et américaine.  

Les États-Unis ont ainsi inculpé jeudi pour ces cyberattaques sept agents présumés du GRU, dont les quatre Russes expulsés par les Pays-Bas en avril.

Pour la première fois, le renseignement militaire russe, donc le Kremlin, a été aussi spécifiquement mis en cause jeudi dans les cyberattaques mondiales par Londres, qui l'accuse par ailleurs d'être responsable de l'empoisonnement de l'ex-agent double Sergueï Skripal et de sa fille Ioulia le 4 mars en Angleterre.