Le mystère entourait mercredi l'hospitalisation de deux personnes retrouvées inconscientes et dans un état critique après avoir été exposées à une «substance inconnue» à Amesbury, ville du sud de l'Angleterre voisine de celle où l'ex-espion russe Sergueï Skripal et sa fille avaient été victimes d'un empoisonnement à l'agent innervant en mars.

Les deux patients, un homme et une femme, «sont dans un état critique» et «reçoivent un traitement pour une exposition présumée à une substance inconnue à l'hôpital de Salisbury», a précisé la police du comté de Wiltshire qui dit considérer l'événement comme un «incident majeur». La police anti-terroriste a été associée à l'enquête, à titre «procédural» en raison de la présence d'une substance inconnue, a indiqué Scotland Yard.

Les deux quadragénaires ont été retrouvés inconscients samedi 30 juin dans une habitation d'un quartier résidentiel de Amesbury, situé à une dizaine de kilomètres de Salisbury.

«Mousse» dans la bouche

Sam Hobson, qui s'est présenté à l'AFP comme leur ami, les a identifiés comme étant Charlie Rowley et Dawn Sturgess. Selon lui, Dawn Sturgess est d'abord tombée malade, et avait «de la mousse sortant de sa bouche». Puis Charlie «a sué à grosses gouttes, et on ne pouvait pas lui parler. Il faisait de drôles de bruits, et il se balançait d'avant en arrière sans répondre».

Nathalie Smyth, une voisine âgée de 27 ans, a dit à l'AFP avoir vu samedi des pompiers et ambulances qui ont «barré la route». «Certaines personnes portaient des combinaisons protectrices».

Le 4 mars, Sergueï Skripal, alors âgé de 66 ans, et sa fille Ioulia, 33 ans, ont été victimes d'une tentative d'empoisonnement à Salisbury, un incident attribué par le Royaume-Uni, soutenu par ses alliés occidentaux, à la Russie, qui nie. L'épisode a entraîné une crise diplomatique et la plus importante vague d'expulsions croisées de diplomates de l'Histoire.

Un porte-parole de la première ministre Theresa May a indiqué que l'événement était traité avec «le plus grand sérieux» et que l'exécutif était «tenu régulièrement informé». Une réunion d'urgence a été organisée mercredi matin.

À Amesbury, la police avait initialement émis l'hypothèse d'un incident lié à l'absorption d'héroïne ou de crack, mais elle a précisé que des tests complémentaires avaient désormais lieu «pour établir la nature de la substance qui a conduit ces patients à tomber malades». Des échantillons ont été amenés au laboratoire militaire de Porton Down pour être testés.

«Nous gardons l'esprit ouvert quant aux circonstances de l'incident», a déclaré le commissaire Angus Macpherson sur la BBC. «Il n'y a pas de raison de penser que cela soit lié» à l'affaire Skripal, a-t-il ajouté.

«Perplexes et choqués»

Plusieurs cordons de sécurité ont été mis en place dans des endroits où auraient pu se rendre les deux quadragénaires. La présence policière a été renforcée dans les deux villes.

À Salisbury, le jardin public Queen Elizabeth Garden a été fermé au public. La police s'est également positionnée devant l'église baptiste d'Amesbury, où les deux patients ont participé à un évènement au cours du week-end.

«Nous sommes tous très perplexes et choqués», a confié le secrétaire de l'église, Roy Collins. «Bien sûr, le lien avec Salisbury et les événements récents entraîne un intérêt public accru. Il y a des inquiétudes».

L'agence de santé publique Public Health England (PHE) a estimé que cet événement ne posait «pas de risque sanitaire significatif pour le grand public».

Cet avis sera «continuellement réévalué, en fonction des informations connues», a prévenu un porte-parole de PHE cité par l'agence Press Association.

Sergueï et Ioulia Skripal avaient été retrouvés inconscients sur un banc dans un centre commercial et hospitalisés dans un état critique à l'hôpital de Salisbury. Ils avaient tous deux été victimes d'une tentative d'empoisonnement avec un agent innervant de la famille des Novitchok, conçue en Union soviétique, selon le gouvernement britannique.

Le premier policier à leur avoir porté secours, Nick Bailey, avait lui aussi été contaminé et hospitalisé dans un état grave. Tous trois avaient été soignés plusieurs semaines avant de pouvoir quitter l'hôpital.

Les forces de l'ordre avaient alors quadrillé la ville de Salisbury avec l'aide de l'armée. Des cordons policiers avaient été installés, notamment autour de la maison de l'ex-espion, ainsi qu'au cimetière de Salisbury.

Un travail de nettoyage chimique est en cours sur les sites contaminés.

Mais que s'est-il passé à Amesbury?

Les habitants de ce coin tranquille du sud de l'Angleterre s'inquiétaient mercredi après qu'un couple d'une quarantaine d'années a été hospitalisé dans un état critique, exposé à une «substance inconnue» quatre mois après l'affaire de l'ex-espion russe Sergueï Skripal.

Ont-ils fait une overdose, ont-il été empoisonnés? «On voudrait juste savoir ce qui se passe», témoigne une femme qui ne souhaite pas donner son nom.

Elle jette un oeil nerveux aux policiers qui montent la garde devant la maison où ont été retrouvées les victimes, dans un quartier résidentiel récemment sorti de terre à Amesbury.

«On est un peu angoissé. Si quelque chose de grave s'est passé, comment peut-on savoir si on ne les a pas croisés dans la rue? «, dit-elle, inquiète de possibles risques de contamination.

Les deux malades ont été trouvés par les secours dans un logement de Muggleton Road. La police a d'abord évoqué un incident lié à l'héroïne ou au crack, mais elle a ensuite précisé que des tests étaient menés pour déterminer la nature de la substance en cause.

Tout le monde a en tête l'incident de Salisbury, à une douzaine de kilomètres de là, lorsque l'ex-espion russe Sergueï Skripal, alors âgé de 66 ans et sa fille Ioulia, 33 ans ont été retrouvés le 4 mars inconscients, empoisonnés à l'aide d'un agent innervant.

«C'est pas bon, n'est-ce pas?, commente Regina Lawes, 60 ans. «La même chose s'est passée à Salisbury. Deux personnes ont été retrouvées inconscientes».

«Pourquoi ont-ils attendu ?»

«Mes amis se demandent ce qui se passe. Certains prennent peur», explique la sexagénaire, en promenant son chien à proximité du centre baptiste d'Amesbury, où se serait rendu l'un des malades et qui est désormais fermé, entourée de cordons policiers.

Comme après l'empoisonnement des Skripal, plusieurs lieux fréquentés récemment par les malades ont été fermés au public.

Sam Hobson, 29 ans, qui se présente comme un ami du couple, qu'il a identifié comme Dawn Sturgess et Charlie Rowley, a affirmé à l'AFP qu'ils avaient passé la journée de vendredi à Salisbury et qu'ils s'étaient trouvés mal le lendemain. Ils «ont dû toucher quelque chose et avoir été contaminés», selon lui.

Dawn a été la première à se sentir mal, se plaignant de maux de tête le samedi matin, avant de s'effondrer avec «de la mousse sortant de la bouche». Puis Charlie a commencé à «transpirer énormément», «à faire des bruits bizarres» et à «halluciner», a raconté leur ami.

Le jeune homme dit avoir été pris de panique et avoir appelé une ambulance. Selon lui, l'incident «n'est pas lié à la drogue», Dawn «ne se drogue pas».

Chloe Edwards, qui vit en face de la maison du couple, a vu arriver les secours samedi soir, dont certains portaient des «combinaisons vertes» et des «masques», des tenues similaires à celles employées par les services d'intervention après l'empoisonnement des Skripal.

«Si c'est la même chose que ce qui s'est passé à Salisbury, pourquoi ont-ils attendu tant de temps?» avant d'informer le public, s'interrogeait mercredi une autre voisine.

Les habitants de ce coin paisible de l'Angleterre ne pensaient pas revenir à la Une de l'actualité quatre mois après l'empoisonnement des Skripal, et s'inquiétaient des répercussions.

Cet épisode «a eu un effet désastreux sur Salisbury, à la fois sur l'économie et la vie des habitants», estime Patrick Hillman, 70 ans, interrogé devant le parc Queen Elizabeth Gardens, un des lieux fermés au public, dans le centre de Salisbury.

Il a constaté que «beaucoup de gens ont déserté la ville, en particulier les touristes», jusque là nombreux à venir découvrir cette ville située à environ 140 kilomètres au sud-ouest de Londres, connue pour son imposante cathédrale anglicane gothique.

«On essayait juste de retrouver la normalité», se désole John Reid, 84 ans. «Tout ça n'est pas très bon pour le tourisme».

AFP

Sam Hobson, 29 ans, qui se présente comme un ami du couple, qu'il a identifié comme Dawn Sturgess et Charlie Rowley, a affirmé à l'AFP qu'ils avaient passé la journée de vendredi à Salisbury et qu'ils s'étaient trouvés mal le lendemain. Ils «ont dû toucher quelque chose et avoir été contaminés», avance-t-il.