L'auteur présumé de l'attentat meurtrier au camion bélier perpétré vendredi à Stockholm, un Ouzbek soupçonné de sympathies jihadistes, est passé aux aveux et s'est dit «satisfait de ce qu'il a fait», a rapporté le quotidien Expressen dimanche.

Lors de sa garde à vue, l'homme, identifié par Expressen et son concurrent Aftonbladet comme étant Rakhmat Akilov, un ouvrier en situation illégale de 39 ans, a reconnu avoir conduit le camion de livraison volé qui a percuté une vingtaine de passants sur l'artère piétonne la plus fréquentée de Stockholm dans l'après-midi du 7 avril.

Il avait repéré les lieux auparavant, selon Expressen.

Une femme et une fillette suédoises ainsi qu'un Britannique et une Belge sont morts, 15 personnes ont été blessées, dont deux se trouvaient dimanche dans un état critique.

Selon Expressen, le suspect a déclaré aux enquêteurs être «satisfait de ce qu'il a fait» et «d'avoir accompli ce qu'il voulait accomplir».

Dimanche, la police nationale avait indiqué qu'il affichait «des sympathies pour des organisations extrémistes, dont le groupe armé État islamique». Mais la presse suédoise n'a pas précisé s'il avait revendiqué l'attentat au nom d'un groupe jihadiste.

Selon d'autres sources citées samedi par Expressen, l'homme avait déjà déclaré au moment de son arrestation quelques heures après la tragédie dans une ville de l'agglomération stockholmoise: «C'est moi qui l'ai fait».

Les policiers se sont rapidement dits sûrs d'avoir interpellé l'auteur de la tuerie. Et dimanche soir, un haut responsable de la police nationale, Jan Evensson, a indiqué à la télévision publique que SVT que les enquêteurs étaient «assez sûrs qu'il passera(it) le reste de sa vie derrière les barreaux».

Un deuxième suspect a été arrêté et placé en garde à vue dimanche sous le même chef de poursuites, a indiqué à l'AFP la juge Helga Hullman du tribunal de Stockholm, sans préciser ses liens avec le suspect principal.

Rassemblement

Choqués par l'attentat qui a aussi fait 15 blessés, les Suédois devaient marquer leur rejet du terrorisme lors d'un rassemblement dimanche dans le centre-ville de la capitale suédoise. Ils étaient des milliers réunis sur la place Sergels Torg, à deux pas de la rue où s'est produit le massacre, selon des journalistes de l'AFP.

Parmi les blessés, dix - neuf adultes et un enfant - étaient encore hospitalisées dimanche matin, dont quatre dans un état grave, selon les autorités sanitaires.

Émotion massive

Des connaissances indiquaient dans la presse dimanche matin que l'homme, père de famille qui travaillait dans le bâtiment, ne semblait pas radicalisé. «Il faisait la fête et buvait», selon un proche.

Dans la cabine du camion, les policiers ont retrouvé un engin suspect, sans pouvoir dire s'il s'agissait d'une bombe ou un engin inflammable.

Dimanche, en Norvège voisine, la police a annoncé avoir neutralisé un engin suspect «ressemblant à une bombe» près du centre-ville d'Oslo et arrêté une personne.

L'attentat en Suède a profondément choqué le pays nordique, qui se targue de son ouverture et de sa tolérance.

Depuis vendredi, des foules se massent le long des barrières de sécurité, près des lieux du drame, déposant bouquets ou peluches. Plusieurs voitures de police ont été fleuries par des Suédois anonymes.

«Nous confions à la Sainte Vierge les victimes de l'attentat terroriste qui s'est produit vendredi dernier à Stockholm, ainsi que tous ceux encore durement éprouvés par la guerre, une catastrophe pour l'humanité», a dit le pape François dimanche lors de la prière de l'Angélus.

Les drapeaux ont été mis en berne sur les bâtiments publics. Le premier ministre Stefan Löfven, qui a décidé un renforcement des contrôles aux frontières, a annoncé une cérémonie d'hommage et une minute de silence en l'honneur des victimes lundi à midi (6h HE).

La Suède n'avait jusque-là été visée qu'une seule fois par un attentat. En décembre 2010, un homme avait mené une attaque suicide à la bombe, dans la même rue de Stockholm, mais il n'avait que légèrement blessé des passants.

Des milliers de Suédois disent leur rejet du terrorisme

«Nous, nous parlons, nous ne nous battons pas» : à deux pas de l'artère piétonne où s'est produit le carnage au coeur de Stockholm, ils sont venus par milliers dimanche manifester leur unité face au terrorisme.

Plus de 20 000 personnes, selon la mairie, se sont rassemblées pour rendre hommage aux victimes et exprimer leur rejet de la violence, deux jours après une attaque au camion bélier qui a fait quatre morts et 15 blessés dans la capitale suédoise.

«C'est très important de rester forts ensemble, de se battre contre tout ce qui met en danger notre société qui est basée sur la démocratie. Nous, nous parlons, nous ne nous battons pas», a témoigné Marianne. «On dialogue, on ne se bat pas», a-t-elle dit.

Dans la foule recueillie, une femme a offert des roses à des policiers en tenue. «Merci», leur a-t-elle lancé en souriant.

Mikael Berggren, un Stockholmois de 36 ans, est venu avec ses deux enfants de trois et un an dire la nécessité de continuer à vivre normalement dans une ville généralement très sûre. «L'attentat ne changera rien», a-t-il assuré à une journaliste de l'AFP.

La «manifestation pour l'amour», dont l'initiative avait été lancée sur Facebook, s'est tenue à proximité immédiate du grand magasin dans lequel le camion s'est encastré après avoir foncé dans la foule sur l'artère piétonne la plus fréquentée de la ville vendredi après-midi.

Selon la police suédoise, l'auteur de l'attaque est un Ouzbek de 39 ans montrant un intérêt pour les groupes jihadistes et sous le coup d'une procédure d'expulsion.

Sous un beau soleil, les «manifestants pour l'amour» ont écouté des artistes, faisant des signes de paix de la main. Rikard Wolff, un comédien et chanteur très populaire dans le pays scandinave, a chanté «L'hymne à l'amour» d'Édith Piaf dans sa traduction suédoise.

«Le meilleur pays du monde»

La maire de Stockholm, Karin Wanngård, a vanté «une ville ouverte, éprise de démocratie et de tolérance».

«Stockholm est notre ville, une ville dont nous sommes fiers, où nous aimons être. La peur ne peut régner, le terrorisme ne peut jamais gagner», a déclaré la responsable sociale-démocrate en s'adressant aux participants.

Bras dessus bras dessous près de drapeaux suédois en berne, la foule a observé une minute de silence.

«On ne laissera pas la peur nous dérouter de notre ambition d'être le meilleur pays au monde», a affirmé l'organisateur de l'événement, Damon Rasti. «Quand la tempête se déchaîne, on se tient la main et on ne laisse rien ni personne nous changer pour le pire», a-t-il dit.

«Nous ne répondons pas avec la peur, nous répondons avec l'amour», proclamait un panneau brandi par une femme voilée.

Daniel Holl, un chercheur allemand de 31 ans installé en Suède, s'est joint au rassemblement pour dire son refus de la «haine». «Qu'on soit à Berlin, Bruxelles, Paris ou Stockholm, le sentiment est le même, peu importe la nationalité», a-t-il confié à l'AFP en égrenant la liste de capitales européennes touchées par des attentats récents.

Pour Charlotte, l'attentat a eu cet effet paradoxal de rapprocher les habitants de Stockholm et de briser le quant-à-soi qui y prévaut comme dans beaucoup de grandes villes.

«Beaucoup de gens sont occupés, ils courent à droite à gauche, parfois on a à peine le temps de se dire bonjour tellement on est pressés. Donc c'est bien de voir que les gens se sentent impliqués, même si on ne le montre pas tous les jours, on tient aux gens autour de nous», a-t-elle déclaré.

De Lund (sud) à Umeå dans l'extrême-nord, d'autres manifestations ou veillées étaient prévues à travers le pays.