L'homme fort de la république russe de Tchétchénie, Ramzan Kadyrov, lancé dans un combat contre les opposants au Kremlin qu'il qualifie d'«ennemis du peuple», a publié lundi une vidéo dans laquelle il met virtuellement en joue l'ancien premier ministre et opposant Mikhaïl Kassianov.

Lors d'un voyage à Strasbourg, le dirigeant de Parnas, l'un des principaux partis de l'opposition russe, Vladimir Kara-Mourza, une autre figure de Parnas, et une femme politique estonienne, Mailis Reps, ont été filmés par une équipe de la chaîne de télévision proche du pouvoir LifeNews. Sur son compte Instagram, le président tchétchène reprend quelques secondes d'un sujet de LifeNews et y ajoute un filtre de viseur de fusil à lunettes.

IMAGE TIRÉE DE LA VIDÉO

De gauche à droite: Mikhaïl Kassianov, Vladimir Kara-Mourza et Mailis Reps.

«Kassianov est allé à Strasbourg pour recevoir de l'argent pour l'opposition russe», écrit M. Kadyrov en légende, reprenant le titre du reportage de LifeNews dont l'équipe a suivi plus ou moins discrètement, les opposants lors de leur séjour français le 25 et 26 janvier.

«Que ce soit M. Kassianov ou moi, nous considérons cette vidéo comme un appel au meurtre», a déclaré à l'AFP M. Kara-Mourza.

«Nous estimons qu'elle est le résultat du climat d'impunité qui règne en Russie depuis l'assassinat de Boris Nemtsov», opposant russe tué par balle au pied du Kremlin en février 2015.

Interrogé par des journalistes, le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov a affirmé «ne pas suivre le compte Instagram de Kadyrov». «Nous allons voir de quoi il s'agit», a-t-il promis.

Les deux opposants russes participaient à la session plénière de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (APCE) consacrée à l'enquête sur le meurtre de M. Nemtsov. Dans cette enquête, la justice russe soupçonne des Tchétchènes.

Ramzan Kadyrov n'en est pas à sa première menace contre les opposants au Kremlin. Mi-janvier, il proposait d'interner en hôpital psychiatrique l'opposition libérale et médias indépendants, qu'il qualifiait de «traîtres à la patrie» et «ennemis du peuple».

Alors que la polémique suscitée par ses propos gonflait en Russie, les autorités tchétchènes ont organisé le 22 janvier à Grozny une manifestation de soutien réunissant quelque 100 000 Tchétchènes.

Plusieurs personnes ayant critiqué ses milices puis sa gestion à poigne ont été tuées au cours des dix dernières années, notamment la journaliste d'investigation Anna Politkovskaïa assassinée en octobre 2006 ou Natalia Estemirova, la représentante de l'ONG Mémorial à Grozny, tuée en 2009.