Angela Merkel a affronté des critiques redoublées contre sa politique d'ouverture aux réfugiés, associée par ses détracteurs à l'agression en série de femmes lors du Nouvel An à Cologne qui a scandalisé l'Allemagne.

L'affaire complique la tâche de la chancelière conservatrice en ce début d'année, car elle fait spectaculairement ressurgir les craintes diffuses que suscite dans une partie de l'opinion l'afflux sans précédent de migrants venus de Syrie, d'Irak ou d'Afghanistan, et les doutes sur la capacité du pays à les intégrer.

De surcroît, la police s'est retrouvée mercredi accusée de toutes parts d'inaction face aux agressions en série survenues en plein centre-ville alors que les forces de l'ordre étaient déployées à proximité pour le réveillon.

Sur la défensive, Angela Merkel a dû affronter en fin d'après-midi en Bavière les critiques de la branche locale de sa famille politique, la CSU, qui l'avait invitée de longue date à sa réunion de rentrée.

«Je maintiens mon exigence d'un changement dans tous ses aspects de la politique sur les réfugiés», a souligné à son arrivée le président de la CSU, Horst Seehofer.

«Si des demandeurs d'asile ou des réfugiés se livrent à de telles agressions» comme à Cologne, «cela doit conduire à la fin immédiate de leur séjour en Allemagne», a lancé avant lui un de ses adjoints, Andreas Scheuer.

Une des proches de la chancelière, la vice-présidente de la CDU, Julia Klöckner, a de son côté estimé qu'on avait «trop longtemps regardé en spectateur des sociétés parallèles se former» en Allemagne et que «l'obligation d'intégration» devait être la priorité.

Mobilisation des détracteurs

Les autorités ont beau marteler ne disposer à ce stade d'aucun élément impliquant des réfugiés, les détracteurs de la chancelière arguent de témoignages des victimes évoquant des agresseurs d'apparence «nord-africaine» ou «arabe».

Après ces incidents, «est-ce que l'Allemagne est suffisamment ouverte sur le monde et multicolore pour vous, Madame Merkel?», a lancé Frauke Petry, la responsable du parti populiste Alternative pour l'Allemagne.

L'extrême droite n'est en revanche parvenue à mobiliser mercredi qu'une petite dizaine de manifestants à Cologne, lesquels ont été copieusement hués par quelque 150 contre-manifestants.

La police locale avait tardé à prendre la mesure de l'ampleur des événements du Nouvel An, qui n'est apparue pleinement que mardi.

Elle a expliqué que les plaintes des femmes victimes ne sont arrivées que peu à peu, faisant état d'attouchements et de vols par des groupes de plusieurs dizaines d'hommes agissant en bandes. Depuis, les témoignages éclairent les événements de la nuit d'une lumière très crue.

«J'ai vu une fille qui pleurait, ses bas étaient déchirés et sa jupe de travers. Elle n'en pouvait vraiment plus. Un jeune homme est sorti de la foule et m'a fait des réflexions obscènes: «je peux t'aider? je sais que je peux t'aider!», a-t-il dit en faisant des gestes obscènes», a raconté un témoin Steffi, 31 ans, ayant échappé de peu à une agression dans le quotidien Süddeutsche Zeitung.

Merkel contre une limite aux réfugiés

Le ministre de l'Intérieur Thomas de Maizière a critiqué le manque de réaction de la police, et le parquet de Cologne n'a «pas exclu» que les agressions aient eu «un caractère organisé».

Dans ce contexte, la pression pesant sur Mme Merkel pour limiter le nombre de demandeurs d'asile est appelée à encore croître, d'autant que plusieurs milliers continuent d'arriver quotidiennement: il y en a eu 127 320 en décembre, et 1,1 million sur 2015, record absolu, selon des chiffres publiés mercredi par le gouvernement.

La CSU réclame une telle limitation. M. Seehofer a fait valoir «qu'à ce rythme nous en aurons plus cette année qu'en 2015».

Mais la chancelière ne veut toujours pas en entendre parler. Elle a reconnu à son arrivée à la réunion de la CSU en Bavière qu'«il y avait des positions divergentes» et que cela n'allait «probablement pas changer» rapidement.

Elle a en revanche promis à nouveau «de réduire de manière significative» cette année le nombre de migrants dans le cadre d'une solution de quotas européens, et des efforts pour lutter «contre les causes de la fuite des réfugiés» de leurs pays. Une solution qui néanmoins peine à se matérialiser du fait des divergences entre Européens.

Mme Merkel a souligné sur ce point l'importance «de préserver la libre circulation en Europe» alors que la Suède et le Danemark viennent de réintroduire des contrôles aux frontières.