Le célèbre avocat turc Tahir Elçi, figure modérée de la cause kurde, a été tué samedi dans sa ville de Diyarbakir lors d'une fusillade qui a ravivé un peu plus les tensions dans le sud-est de la Turquie, en proie aux combats entre rebelles et forces de sécurité.

Bâtonnier de l'ordre des avocats de la ville, M. Elçi, 49 ans, a été abattu alors qu'il venait d'achever une conférence de presse dans le district de Sur, théâtre d'affrontements entre la police et des jeunes proches du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK).

Selon des témoignages recueillis par l'AFP, la fusillade a débuté lorsque des hommes armés non identifiés ont ouvert le feu sur des policiers à proximité de l'endroit où se trouvait l'avocat. Les forces de l'ordre ont alors riposté, dans une grande confusion.

Un policier a été tué et une dizaine d'autres personnes blessées, dont un journaliste et au moins deux autres policiers, selon un responsable des services de sécurité.

« Le discours étant fini, nous étions en train de nous disperser. Un ou deux coups de feu ont éclaté en dehors de la rue (...) les gens se sont cachés où ils le pouvaient », a raconté à l'AFP un avocat, Nazim Baran Vurak. « Ensuite, des amis nous ont dit qu'un homme était à terre et qu'il ressemblait beaucoup à Tahir Elçi », a-t-il ajouté.

Les premiers résultats de l'autopsie indiquent que l'avocat a été atteint d'une balle en pleine tête, a-t-on appris de sources hospitalières.

Le premier ministre islamoconservateur Ahmet Davutoglu s'est refusé à privilégier une hypothèse. « M. Elçi a pu être la cible d'un assassinat (...) si c'est le cas, toute la lumière sera faite et les responsables identifiés », a-t-il promis devant la presse.

« La deuxième possibilité, c'est qu'il ait été pris entre deux feux après que les terroristes ont attaqué les policiers », a poursuivi le chef du gouvernement.

Les autorités ont décrété un couvre-feu immédiat sur le district de Sur, où des combats se sont poursuivis dans l'après-midi. Deux policiers chargés de la protection du procureur de la ville, présent sur place, ont été blessés par un tir de roquette.

Lors d'un discours à Burhaniye, le président turc Recep Tayyip Erdogan s'est déclaré « attristé par la mort d'Elçi ».

« Nous ne reculerons pas »

« Cet incident a démontré combien notre détermination à combattre le terrorisme est justifiée », a-t-il dit. « Nous continuerons ce combat jusqu'à son terme. Nous ne nous arrêterons pas, nous ne reculerons pas ».

L'agence de presse progouvernementale Anatolie a attribué l'attaque au PKK.

Après plus de deux ans de cessez-le-feu, de violents combats ont repris l'été dernier entre les forces de sécurité turques et le mouvement rebelle. Ils ont fait voler en éclat les pourparlers de paix engagés fin 2012 pour tenter de mettre un terme à un conflit qui a déjà fait plus de 40 000 morts depuis 1984.

Ces affrontements ont contraint les autorités turques à imposer des couvre-feux dans de nombreuses villes du sud-est du pays, où la police et l'armée livrent de violents combats à des jeunes combattants proches du PKK qui élèvent des barricades.

Ces combats ont fait des dizaines de victimes civiles.

Salué pour sa modération, Tahir Elçi faisait l'objet de poursuites pour avoir affirmé à la télévision à la mi-octobre que le PKK « n'est pas une organisation terroriste (...) même si certaines de ses actions sont de caractère terroriste ».

Il avait été interpellé le 20 octobre dans son bureau de Diyarbakir puis inculpé d'« apologie du terrorisme par voie de presse » par un tribunal d'Istanbul. Le parquet a requis contre lui une peine d'un an et demi à sept ans et demi de prison.

Des manifestations à la mémoire de Tahir Elçi ont eu lieu à Ankara, Izmir et Istanbul, où la police est intervenue avec des canons à eau et des gaz lacrymogènes.

Le Parti démocratique des peuples (HDP, prokurde) lui a rendu hommage en dénonçant « un assassinat programmé qui vise le combat pour le droit et la justice ». « Dénoncer la violence ne devrait pas être puni de meurtre », a pour sa part indiqué le chef du Parti républicain du peuple (CHP, social-démcorate), Kemal Kiliçdaroglu.

Juste avant de mourir, Tahir Elçi avait conclu sa déclaration par ces mots : « nous ne voulons pas de combats, d'armes à feu, d'opérations dans ce lieu historique ».

La police disperse des manifestants à Istanbul

La police turque a dispersé samedi soir à Istanbul avec du gaz lacrymogène et des canons à eau des centaines des personnes qui dénonçaient la mort de l'avocat kurde Tahir Elçi, tué lors d'une fusillade à Diyarbakir, ont constaté des journalistes de l'AFP.

Rassemblés sur l'avenue Istiklal, la grande avenue piétonne et commerçante de la partie européenne de la plus grande ville de Turquie, les manifestants ont respecté une minute de silence à la mémoire de M. Elçi, défenseur renommé de la cause kurde et des droits de l'Homme, puis crié des slogans hostiles au gouvernement.

« Vous ne pourrez pas tous nous tuer », « l'État criminel devra rendre des comptes » ou « Tahir Elçi est immortel », ont-ils scandé.

Les forces de l'ordre les ont alors dispersées à l'aide de canons à eau et de gaz.

Bâtonnier de l'ordre des avocats de Diyarbakir, M. Elçi, 49 ans, a été abattu d'une balle en pleine tête alors qu'il venait d'achever une conférence de presse, pris dans une fusillade opposant la police à des hommes armés non identifiés.

Le premier ministre islamoconservateur Ahmet Davutoglu a expliqué que les circonstances de sa mort restaient encore inconnues, indiquant qu'il avait pu être « la cible d'un assassinat » ou « pris entre deux feux ».

D'autres rassemblements à la mémoire de Tahir Elçi ont eu lieu à Ankara et à Izmir. Des incidents entre policiers et manifestants ont également été signalés à Diyarbakir.

PHOTO OZAN KOSE

Des manifestants à Istanbul brandissent des photos de l'avocat kurde Tahir Elci reading après que celui-ci a été tué à Diyarbakir.