Le président indépendantiste catalan Artur Mas a été convoqué par la justice pour désobéissance civile en 2014, deux jours après la victoire des séparatistes aux régionales en Catalogne (nord-est de l'Espagne), alors que c'est justement sur le terrain juridique que le gouvernement entend le contrer.

La porte-parole du gouvernement de la Catalogne, Neus Munté, a réagi en dénonçant «un procès politique».

M. Mas est convoqué aux fins d'inculpation pour «désobéissance civile», le 15 octobre, suite à l'organisation fin 2014 d'une consultation sur l'indépendance de la région, a-t-on appris mardi de source judiciaire.

La citation délivrée par le tribunal supérieur de justice de Catalogne a été lancée deux jours après des élections régionales où le camp indépendantiste a obtenu la majorité absolue des sièges au Parlement régional, 72 sur 135. Les séparatistes n'ont cependant pas réuni la majorité des voix - seulement 47,8 % - démontrant que la société catalane est profondément divisée.

Après cette victoire, M. Mas a cependant réaffirmé que les indépendantistes avaient reçu le «mandat» du peuple catalan pour mettre en oeuvre leur programme: mener la région à l'indépendance en 2017 au plus tard.

Le gouvernement conservateur de Mariano Rajoy refusant depuis 2012 l'organisation d'un référendum d'autodétermination en Catalogne, M. Mas avait décidé de convoquer le 9 novembre 2014 une consultation sans valeur légale au nom de la «liberté d'expression».

Près de 2,3 millions de personnes avaient participé à une consultation symbolique en Catalogne et 1,9 million s'étaient prononcées pour l'indépendance. Les participants devaient répondre à deux questions: «Voulez-vous que la Catalogne soit un État?», «Voulez-vous que cet État soit indépendant?».

Le tribunal constitutionnel avait interdit ce référendum symbolique. Il avait estimé que M. Mas n'avait pas le droit de l'organiser, car il abordait un sujet national, l'unité de l'Espagne, qui n'était pas de sa compétence.

M. Mas était visé par une enquête depuis décembre 2014, après une ouverture d'information judiciaire sur la consultation du 9 novembre. L'enquête pénale, visant également deux autres responsables de l'exécutif catalan, cherche à établir s'il s'est rendu coupable de «désobéissance civile», de «malversations» concernant des fonds publics et d'«usurpations de fonctions», en organisant ce scrutin.

La consultation, mise en place en grande partie par quelque 41 000 bénévoles, avait été organisée avec l'aide de l'exécutif catalan, notamment dans des écoles publiques, et encadrée par les Mossos d'Esquadra (la police catalane), autant d'éléments constitutifs d'une «désobéissance civile».

«Ouvrir les écoles (publiques) pour le vote et tout acte de fonctionnaires collaborant en ce sens» peut tomber sous le coup de la désobéissance civile, un délit pénal entrainant potentiellement une interdiction d'exercer pour les fonctionnaires et les élus, avait expliqué à l'époque Eduardo Virgala, enseignant en droit constitutionnel.

La convocation intervient alors que la coalition indépendantiste Junts pel si (Ensemble pour le   Oui), dont fait partie M. Mas, doit encore négocier avec l'autre liste indépendantiste, la CUP (candidature d'unité populaire, d'extrême gauche) pour former une majorité stable au Parlement.

La première séance en vue de l'investiture de l'exécutif catalan doit intervenir au plus tard 30 jours ouvrables après les élections - en novembre - un mois avant les législatives en Espagne.

Mariano Rajoy n'a de cesse de répéter qu'il défendra la «légalité» et c'est sur ce terrain qu'il entend poursuivre sa lutte.

Son Parti populaire (droite), majoritaire au Parlement national, a déposé une proposition de loi en vue d'une réforme «urgente» des statuts du tribunal constitutionnel, prévoyant que celui-ci puisse imposer des amendes ou suspendre des fonctionnaires qui passeraient outre ses décisions, même provisoires.

Le texte, contesté notamment par l'opposition socialiste, permettrait de suspendre M. Mas ou toute autre autorité catalane qui ignorerait les résolutions du tribunal constitutionnel, comme lors de la consultation symbolique. Il sera débattu jeudi par le Parlement.

«Cette convocation est la meilleure démonstration des raisons pour lesquelles nous devons être indépendants», a dit le dirigeant indépendantiste de gauche Oriol Junqueras, également sur la liste de Junts pel si. «Tant que nous sommes dans l'État espagnol, des choses aussi simples que consulter les citoyens deviennent des querelles, des mises en examen, des citations à comparaître», a-t-il ajouté.