Le président français François Hollande a affirmé lundi que les passagers du train Thalys ayant neutralisé un Marocain lourdement armé avaient permis d'éviter «un carnage», en décorant quatre d'entre d'eux, tandis que l'enquête sur la piste du djihadisme se poursuit.

«Vendredi soir, un individu avait décidé de commettre un attentat dans le Thalys. Il avait suffisamment d'armes et de munitions pour provoquer un véritable carnage. Et c'est ce qu'il aurait fait si vous ne l'aviez pas maîtrisé en prenant tous les risques, y compris celui de votre propre vie», a déclaré le président lors d'une cérémonie solennelle en l'honneur de trois jeunes Américains et d'un Britannique.

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«Pour vous témoigner notre reconnaissance, j'ai tenu, de façon exceptionnelle, à vous remettre la Légion d'honneur, la plus haute distinction qu'il soit possible d'attribuer», a-t-il souligné.

La cérémonie s'est déroulée au troisième jour de la garde à vue du Marocain Ayoub El Khazzani qui maintient ne pas avoir voulu commettre d'acte terroriste.

Les enquêteurs de l'antiterrorisme français continuent à interroger cet homme de 25 ans, repéré par les services de renseignement de quatre pays européens, qui nie tout acte terroriste et affirme avoir voulu rançonner les passagers du Thalys, version balayée par les enquêteurs comme par les passagers américains. Sa garde à vue peut durer jusqu'à mardi soir.

Les Américains Spencer Stone, 23 ans, Alek Skarlatos, 22 ans - deux militaires en vacances - leur ami Anthony Sadler, 23 ans, et le Britannique Chris Norman, 62 ans, ont été «faits chevalier de la Légion d'honneur» par le président français.

La remise de la décoration s'est déroulée en présence des premiers ministres belge, Charles Michel, et français, Manuel Valls, et de plusieurs ministres du gouvernement socialiste français, dont le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve. Des représentants des services de police et de secours et des médecins étaient également présents.

Le président français a rendu hommage à leur «courage» et à leur «sang-froid», jugeant qu'ils incarnaient «le bien» de «l'humanité» face au «mal qui est le terrorisme».

En marge de la cérémonie, Chris Norman, «très très honoré» d'être décoré par la France, s'est dit «heureux d'être en vie». «Je pense que d'une façon ou d'une autre, nous serons confrontés de nouveau à ce genre de problème et je vous invite tous à penser à ce que vous ferez dans cette situation. Agissez si l'occasion se présente», a-t-il plaidé, reprenant une position déjà affichée dimanche par les trois Américains.

Le passager français ayant dès le début tenté de neutraliser le suspect - un homme de 28 ans travaillant pour une banque française à Amsterdam et qui souhaite garder l'anonymat - ainsi qu'un Franco-américain, Mark Moogalian, 51 ans, blessé par balle pendant l'attaque et toujours hospitalisé à Lille (nord) seront aussi décorés, ultérieurement, a indiqué l'entourage du chef de l'État.

Outre ces six hommes, les autorités saluent également le rôle joué par un autre Français. Il s'agit d'un agent des chemins de fer français en congés au moment des faits, dont Spencer Stone a dit dimanche lors d'une conférence de presse à l'ambassade des États-Unis à Paris qu'il les avait aidés à maîtriser El Khazzani.

Téléphones en cours d'exploitation

Face aux enquêteurs, Ayoub El Khazzani, pourtant fiché pour son profil d'islamiste radical par les services de renseignement de quatre pays (Espagne, France, Allemagne, Belgique), assure avoir trouvé fortuitement la kalachnikov dans une valise dans un jardin public près de la gare de Bruxelles-midi où il dort avec d'autres sans-abris. Il aurait eu l'idée de s'en servir pour détrousser les passagers du Thalys, selon une source proche de l'enquête.

Il était «médusé du caractère terroriste attribué à son action», a déclaré l'avocate qui l'a assisté aux premières heures de sa garde à vue à Arras (nord), avant son transfert dans les locaux de la Direction générale de la sécurité intérieure, près de Paris. Elle a dépeint un homme «squelettique», «peu instruit» et «paumé».

Les enquêteurs s'orientent pourtant bien vers une attaque terroriste. Il semble y avoir une part de préparation et deux téléphones portables retrouvés sur lui étaient en cours d'exploitation.

«On n'a pas besoin de huit chargeurs pour dévaliser un train», a souligné dimanche Anthony Sadler. Sa kalachnikov «semblait enrayée ou ne fonctionnait pas», a précisé Spencer Stone. Outre le fusil d'assaut, El Khazzani avait neuf chargeurs garnis, un pistolet automatique Luger et un couteau à lame rétractable avec lequel il a blessé Spencer Stone.

D'après l'enquête, l'assaillant est monté dans le train à grande vitesse «en Belgique avec des armes sans doute acquises en Belgique et avait des papiers délivrés en Espagne». Le jeune homme a vécu sept ans en Espagne, de 2007 à 2014, et s'est fait remarquer par des discours légitimant le djihad. Selon les renseignements espagnols, il serait parti de France en Syrie, ce que l'intéressé nie, et serait ensuite revenu en France.