Aux premières lueurs du matin, la vallée de Presevo découvre, au quotidien ces dernières semaines, les centaines de migrants illégaux qui déferlent sur le sud de la Serbie, avant dernière étape de leur long périple vers l'Union européenne.

Après une nuit à la belle étoile dans les bois avoisinants, les clandestins, dont la majorité arrive de Syrie, s'empressent, guidés par les forces de l'ordre locales, de se diriger vers un camp d'accueil mis en place par les autorités serbes.

Là, l'objectif premier de la longue attente qui s'ensuit, est de déposer une demande d'asile, un document légalisant pour une période de 72 heures leur séjour en Serbie. Le pays n'est pas membre de l'Union européenne, mais offre un accès terrestre vers quatre États de l'UE: la Bulgarie, la Roumanie, la Hongrie et la Croatie.

Le camp d'accueil propose aussi aux immigrés clandestins une assistance médicale, un peu de nourriture, de l'eau ou encore la possibilité d'un peu de repos dans des tentes mises à leur disposition.

Une fois remis et en possession du sésame qui légalise leur séjour, les migrants se ruent sur la gare ferroviaire et le terminal d'autobus en direction du nord, de Subotica, ville située à la frontière avec la Hongrie.

«Direction l'UE, toute ma famille a péri dans la guerre. Il n'y a plus de vie en Syrie, il y a deux semaines, l'État islamique (groupe jihadiste, ndlr) a tué 500 personnes en deux jours dans ma ville», lâche Khalil Mustafa, 20 ans, un Kurde au visage émacié, originaire de Kobané (nord).

A Presevo, les clandestins, des professeurs, des avocats ou encore des jeunes ambitionnant de faire des études d'informatique, apprennent que la Hongrie édifie une clôture de 4 m de haut pour les empêcher de pénétrer sur leur territoire.

«Ce n'est pas juste, partout dans le monde, depuis la chute du mur de Berlin, les murs tombent et là on en construit un pour empêcher des pauvres gens de fuir la guerre», s'emporte Mahmoud Rashid, 25 ans.

Mal rasé, les vêtements froissés, ce jeune homme va suivre à pied, avec une quarantaine d'autres compagnons malheureux, le chemin de fer qui chemine vers le nord.

«Ce n'est que le début de la crise»

Première localité importante en Serbie après la frontière avec la Macédoine, Presevo - 30 000 habitants, dont près de 90 % d'Albanais musulmans -, est envahie par les immigrés, une situation à laquelle les autorités locales et la population doivent encore s'habituer.

«Environ 5000 personnes sont passées par le centre d'accueil depuis sa mise en place la semaine dernière, soit deux fois plus que le nombre de ceux qui se sont enregistrés auprès de nos autorités depuis début juin», précise Ahmet Alimi, de la Croix rouge locale.

Selon les estimations officielles, environ 800 à 1000 réfugiés arrivent chaque jour dans la vallée de Presevo depuis des semaines. Plus de 37 000 personnes ont demandé l'asile en Serbie depuis le début de l'année, a indiqué le ministère de l'Intérieur.

Selon des chiffres de l'ONU, quatre millions de personnes ont fui la Syrie depuis le début du conflit.

Le premier ministre Aleksandar Vucic s'est rendu à Presevo où il s'est inquiété du traitement réservé aux migrants, suite à un récent rapport d'Amnesty International accusant Belgrade de mauvaise conduite à leur égard.

«Les gens sont-ils gentils avec vous ? Avez-vous de quoi manger ?», a interrogé M. Vucic.

«Ce n'est que le début de la crise. Attendez l'automne, mon impression est que notre pays ne pourra pas faire face à cette situation seul et sans une aide internationale substantielle», commente sous le couvert de l'anonymat un humanitaire travaillant pour une organisation internationale.

Une aide que la chancelière allemande Angela Merkel a promise au nom de l'UE, lors de sa visite à Belgrade début juillet.

Albanais et Serbes de Presevo, coutumiers des problèmes et tensions posés par la question de l'indépendance du Kosovo voisin, majoritairement albanais et non reconnu par les Serbes, observent perplexes le malheur des migrants.

«C'est une honte ce que l'on a fait à ces pauvres gens», s'insurge Stojadin Ilic, en distribuant des bouteilles d'eau aux clandestins qui passent devant sa maison.

Izedin Osmani, un cordonnier albanais de 59 ans, déplore lui aussi leur sort.

«Comment ne pas avoir pitié, je n'ai pas besoin de suivre les informations pour comprendre qu'ils ont fui un grand malheur, je n'ai pas grand-chose à leur offrir excepté de l'eau, mais ils m'en sont reconnaissants», dit-il.