L'ancien comptable d'Auschwitz Oskar Gröning, jugé pour complicité dans le meurtre de 300 000 juifs, s'est à nouveau dit «désolé» mardi, à la veille du verdict de ce qui pourrait être le dernier procès nazi en Allemagne, tandis que sa défense a plaidé l'acquittement.

«Auschwitz est un endroit auquel personne n'aurait dû participer», a déclaré d'une voix tremblante l'accusé, âgé de 94 ans, au terme de près de trois mois d'audience à Lunebourg (nord).

«J'en suis conscient. Je regrette sincèrement de ne pas l'avoir réalisé plus tôt et de manière plus conséquente. Je suis profondément désolé», a déclaré l'ancien SS, qui avait assumé dès l'ouverture du procès une «faute morale» et demandé «pardon».

La défense a cependant réclamé son acquittement, insistant sur les tâches administratives du jeune homme alors âgé de 23 ans, chargé de trier les devises prélevées sur les déportés et de les envoyer à l'administration centrale.

«Le rôle de M. Gröning à Auschwitz était minime», a souligné Me Susanne Frangenberg, dont le client pourrait être le dernier accusé à répondre en justice des crimes du IIIe Reich.

Pour son autre conseil, Me Hans Holtermann, l'accusé n'a nullement «favorisé l'Holocauste, du moins, pas d'une manière pertinente sur le plan pénal», puisque ses fonctions le tenaient à l'écart de la fonction d'extermination du camp.

Le parquet avait requis mardi dernier trois ans et demi de prison contre l'ex-soldat nazi, mettant en balance sa «contribution mineure» au fonctionnement d'Auschwitz avec le nombre «presque inimaginable» de victimes.

Le procureur était resté dans le bas de la fourchette de trois à 15 ans de prison encourus par Gröning pour son rôle supposé, au printemps 1944, dans l'envoi dans les chambres à gaz d'au moins 300 000 Juifs hongrois dès leur arrivée.

L'ancien SS a reconnu avoir assumé trois tours de garde sur la rampe d'arrivée d'Auschwitz-Birkenau: pour l'accusation, il «cachait» les bagages des précédents convois pour éviter tout mouvement de panique parmi les déportés.

Mais pour Me Holtermann, «sa pure présence» n'a en rien «contribué à envoyer des gens dans les chambres à gaz». M. Gröning «n'a pas participé aux sélections» séparant les nouveaux arrivants jugés aptes au travail de ceux qui étaient immédiatement tués, et avait pour seul rôle de «garder les bagages» pour éviter les vols, a affirmé l'avocat.

Les avocats de la cinquantaine de parties civiles, mêlant survivants de la Shoah et proches des victimes, ont déploré dans leurs plaidoiries la faiblesse de la peine requise, réclamant pour certains une condamnation pour «meurtre en réunion» synonyme de perpétuité

Mais parmi les rescapés d'Auschwitz, qui ont livré à la barre des témoignages bouleversants, d'autres ont expliqué que la décision rendue mercredi à 9 h 30 locales (3 h 30 à Montréal) n'aurait à leurs yeux qu'une importance symbolique.

«Quand je quitterai Lunebourg, je ferai la paix, quel que soit le verdict», confiait la semaine dernière Hedy Bohm, l'une des parties civiles.

Le procès Gröning illustre la sévérité accrue de la justice allemande à l'égard des derniers nazis encore vivants, depuis la condamnation en 2011 de John Demjanjuk, ancien gardien de Sobibor, à cinq ans de prison. Ces procès tardifs contrastent avec le peu de condamnations, à des peines souvent faibles, prononcées pendant des décennies.

Quelque 1,1 million de personnes ont péri entre 1940 et 1945 à Auschwitz-Birkenau.