Le «président» sortant de la République turque de Chypre nord (RTCN), entité non reconnue par la communauté internationale, a terminé dimanche en tête du premier tour d'une élection dont le vainqueur tentera de négocier la paix avec la République de Chypre.

Avec 28,2 % des suffrages, Dervis Eroglu, 77 ans, plutôt considéré comme nationaliste, n'a devancé que d'une courte tête Mustafa Akinci (26,9 %), un indépendant qui a notamment fait campagne sur le thème de la lutte contre la corruption.

«Les deux prochaines années seront très critiques pour le problème chypriote (la question de la division de l'île, ndlr). J'ai l'expérience nécessaire pour passer cette phase de négociations qui débuteront en mai», a déclaré après l'annonce des résultats M. Eroglu, qui avait été élu dès le premier tour en 2010.

«Nous allons dessiner notre futur avec tout le monde, quel que soit leur langue, leur religion, leur couleur, leur origine ou leur sexe. Nous construirons un meilleur avenir ensemble», a dit de son côté M. Akinci, 67 ans.

Siber Sibel, présidente de l'Assemblée et seule femme en lice sur les sept candidats, est arrivée troisième avec 22,5 % des voix et ne sera donc pas présente au second tour le 26 avril.

Parti de loin en octobre, mais monté en flèche dans les derniers sondages, Kudret Özersay l'a talonnée avec un score de 21,2 %.

Les trois autres candidats -Mustafa Onurer, Mustafa Ulas, Arif Salih Kirdag- se sont partagé les miettes d'un scrutin qui n'a pas autant attiré les foules que les précédentes élections «présidentielles» à Chypre-Nord.

Avec 176 000 électeurs inscrits sur les listes électorales, la participation s'est établie à 62 %, selon le président de la commission électorale.

Le territoire de la RTCN, qui représente environ un tiers de l'île méditerranéenne, est occupé depuis 1974 par la Turquie, en réaction à un coup d'État de nationalistes visant à rattacher l'île à la Grèce et orchestré avec l'appui d'Athènes.

La RTCN, créée en 1983 et sous le coup de sanctions internationales, est uniquement reconnue par Ankara, qui contribue à 30 % de son budget et finance une grande partie de ses infrastructures, faisant de la Turquie un acteur incontournable de la politique chypriote-turque.

Chaque fois déçus

«Le prochain président peut changer la relation que nous avons avec la Turquie», espère Hulya Tozake, une Chypriote-turque de 57 ans. «Nous espérons à chaque fois, mais nous finissons toujours par être déçus. Et l'attitude de la Turquie, comme celle des Chypriote-grecs, est la raison de notre déception».

À la sortie d'un des 693 bureaux de vote du territoire, à Nicosie-Nord, Hussein Ors explique à l'AFP qu'il a «voté pour quelqu'un qui peut résoudre le problème» de la division de Chypre, ce qu'aucun leader ni aucune résolution de l'ONU n'a réussi à faire depuis 40 ans. «C'est notre principal problème», assure ce fonctionnaire de 53 ans.

Bashak Hasgül, une avocate turque de 35 ans installée depuis 15 ans à Chypre, est aussi venue voter avec espoir: «L'espoir d'une seule île, d'un seul Chypre. J'espère que le futur président réalisera cela».

Le principale tâche du futur «président», élu pour un mandat de cinq ans, sera de reprendre les négociations de paix, pour l'heure suspendues.

Les pourparlers devraient reprendre rapidement, a récemment annoncé l'envoyé spécial de l'ONU Espen Barth Eide.

Membre de l'Union européenne et seule entité reconnue par la communauté internationale, la République de Chypre a quitté la table des négociations en octobre 2014 pour protester contre les agissements d'Ankara, qui cherchait selon Nicosie à perturber ses recherches énergétiques en mer, en envoyant un navire sismique dans sa zone économique exclusive (ZEE).

En 2004, un plan de réunification proposé par l'ONU avait été accepté par les Chypriotes-turcs mais rejeté par une grande majorité de Chypriotes-grecs.