La menace d'une attaque djihadiste en France - et en Europe - a atteint un niveau «sans précédent» et de nouveaux attentats sont inéluctables, estiment de hauts responsables français.

«Comme le disent souvent les services» de renseignement et d'espionnage, a relevé récemment le premier ministre français Manuel Valls, «le problème n'est pas de savoir s'il y aura un attentat à nouveau, en France, en Europe, mais de savoir quand et où».

Depuis les attentats de janvier, l'alerte est à son niveau maximum en France où l'armée et la police ont été déployées devant 830 sites «sensibles» (médias, synagogues, etc.).

Pour les services antiterroristes cependant, ce dispositif ne suffira pas à empêcher une prochaine attaque.

«La tâche de protection des Français est de plus en plus difficile», indique-t-on dans l'entourage du ministre français de la Défense. «La menace est permanente. Pas un jour ne passe sans une alerte, la découverte d'une filière de départ vers la Syrie ou l'Irak ou une intervention».

«Le nombre de cibles a explosé : il y en a deux à trois mille, peut-être quatre milles, des gens repérés ou soupçonnés d'avoir de mauvaises intentions», ajoute-t-on de même source. «Et il ne faut pas croire que ce sont tous des amateurs : il y a des (gens ayant suivi de longues études universitaires), des ingénieurs. Ce sont des pros, pas des paumés».

Jeudi, en présentant un projet de loi renforçant considérablement les capacités des services de renseignement, Manuel Valls avait souligné que la menace terroriste était «protéiforme, émanant aussi bien de groupes évoluant à l'étranger que d'individus présents sur (le) territoire» français.

Surenchère dans l'horreur

Au ministère de la Défense, les spécialistes relèvent que les djihadistes «utilisent les meilleures techniques de chiffrement, de dissimulation». Et «les services courent derrière». «Chaque fois qu'on met la main sur un réseau, on s'aperçoit qu'ils utilisent chacun sept ou huit cartes (téléphoniques) SIM, en changeant sans arrêt. Et les plus malins n'approchent pas d'un téléphone : ils utilisent des messagers».

Les quelque 200 apprentis-djihadistes partis combattre ou se former dans les zones tenues par le groupe État islamiste en Syrie et en Irak puis revenus en France inquiètent particulièrement les enquêteurs.

«Une majeure partie de ce panel de retour a commis des exactions : ils ont un rapport totalement désinhibé à la violence», confie un haut responsable de la lutte antiterroriste, sous couvert d'anonymat.

Il faut donc les placer sous une surveillance la plus étroite possible, tout en sachant, comme l'a prouvé le profil des deux frères Kouachi, auteurs de la tuerie au journal Charlie Hebdo, que des membres anciens de filières djihadistes qui se sont tenus tranquilles pendant des années peuvent aussi être dangereux et ne doivent pas être négligés.

Une possible surenchère dans l'horreur entre le groupe État islamique, nouveau venu sur la scène djihadiste qui multiplie les actions violentes et les médiatise à outrance, et le réseau Al-Qaïda historique, fondé par Oussama Ben Laden, aggrave également la menace, explique un autre responsable de la lutte antiterroriste.

«Al-Qaïda a besoin de redorer son blason et va tenter, pour faire concurrence à Daech (un acronyme de l'État islamique), de planifier des actions complexes et majeures. Ces actions pourraient viser le transport aérien. Cette menace est portée par le groupe Khorassan, et en son sein par un ressortissant français», dit-il en évoquant David Drugeon, expert en explosifs, donné pour mort dans un raid de drone américain, mais qui semble avoir survécu aux tirs de missiles américains.

Quant aux membres du groupe État islamique, «ils sont en train de programmer des actions terroristes sur le territoire européen», ajoute le même haut responsable. «Il s'agit d'une armée conventionnelle. Ils sont en mesure de former des commandos et de les projeter sur notre territoire avec des équipements de qualité».