«Dehors!» «Partez aimer votre propre ville.» «Touristes, allez dans un hôtel ou restez à la maison, mais don't fuck me

Exaspérés, certains résidants de Barcelone en ont marre de ce qu'ils surnomment le «tourisme alcoolique».

Jeudi, une centaine de résidants de La Barceloneta ont manifesté dans les rues du célèbre quartier qui longe la mer à proximité des bars. Dénonçant le comportement des touristes fêtards qui manquent de «civilité», ils ont demandé aux élus municipaux d'agir.

La goutte qui a fait déborder le vase? Trois Italiens nus ont déambulé en pleine rue passante il y a quelques jours, puis une photo relayée sur les réseaux sociaux - prise par le photographe Vincens Forner du quotidien El Periódico - a mobilisé les troupes du quartier.

«Nos enfants voient régulièrement des scènes de la sorte. Des scènes qui se passent pendant les heures de travail», a affirmé Rosalia Alonso, alors qu'elle marchait avec ses deux jeunes enfants sur la Plaça del Poetta Bosca, vendredi matin.

Cri d'alarme entendu

Les familles et les commerçants de La Barceloneta disent ne blâmer qu'une certaine catégorie de touristes. Pas les amateurs d'art qui visitent Barcelone pour admirer l'architecture de Gaudí et qui occupent une chambre d'hôtel. Plutôt les jeunes fêtards qui s'entassent à plusieurs dans un appartement résidentiel sous-loué pour quelques jours, et qui n'ont pas à coeur la vie culturelle de la capitale de la Catalogne.

«Les résidants de longue date dénoncent un certain modèle de tourisme qui a graduellement envahi Barcelone. Les appartements touristiques illégaux occasionnent un manque de civilité dans certains quartiers résidentiels», a indiqué à La Presse María Jesús Vidal, secrétaire de l'Association des résidants du quartier La Barceloneta.

Avec la popularité des sites de location comme HomeAway et Airbnb, de plus en plus de touristes occupent les rues résidentielles de La Barceloneta. Surtout au mois d'août, où l'achalandage touristique atteint son comble.

Les élus ont entendu le cri d'alarme de l'Association des résidants du quartier. La conseillère municipale Mercè Homs a parlé de «tolérance zéro» et d'une augmentation de la présence policière. Vendredi soir, elle et d'autres représentants de l'hôtel de ville ont même accepté de rencontrer les résidants mécontents. Si les discussions ne mènent nulle part, d'autres manifestations auront lieu au cours des prochains jours, prévient toutefois María Jesús Vidal.

Des avis divergents

Sur son site web, le groupe militant Barceloneta Rebel blâme plutôt les élus. Il soutient que la Ville a trop misé sur l'aspect commercial du quartier, au détriment de la qualité de vie résidentielle, et que le prix des loyers a augmenté en flèche. Avec la crise économique et la spéculation immobilière, il va de soi que des résidants préfèrent louer leur appartement, plaide Barceloneta Rebel.

Une Barcelonaise d'adoption originaire des Pays-Bas, Sofie Koevoets, a pour sa part dénoncé «le racisme envers les étrangers» qui est en train de se développer dans La Barceloneta. Un quartier où elle travaille et vit depuis quatre ans. «Je paye des taxes et je participe à l'économie locale. Mais comme je suis blonde, on me traite régulièrement de guiri», dit-elle.

Guiri est un terme à connotation péjorative que les Espagnols emploient pour décrire les étrangers (à l'image du mot «importés» au Québec, par exemple).

«Ce n'est pas vrai que les touristes font du bruit, dit Sofie Koevoets, derrière le comptoir du café Robolat, où elle travaille. Tout cela cache plutôt une forme de discrimination et de xénophobie.»

Quoi qu'il en soit, la manifestation survenue jeudi à Barcelone confirme le mécontentement que suscite le site Airbnb dans le monde. En juillet dernier, le gouvernement catalan a par ailleurs infligé une amende de 30 000 euros (43 000 $) à Airbnb. Il accuse la société de San Francisco de contourner l'obligation d'obtenir une licence et donc de favoriser le «tourisme illégal».

Au Québec, Airbnb a engagé un lobbyiste pour faire changer la loi sur l'hébergement touristique. Depuis le printemps dernier, un comité consultatif gouvernemental se penche sur la problématique de l'hébergement considéré comme «illégal» pour des locations de moins de 30 jours.