François Hollande a accepté vendredi la démission d'un proche conseiller accusé de conflit d'intérêts et mis en cause pour son train de vie, une affaire embarrassante pour le président français au moment où il cherche à faire passer la pilule de la rigueur.

«Aquilino Morelle a pris la seule décision qui s'imposait», a déclaré François Hollande après la démission du chef de l'équipe de communication de l'Élysée, un de ses conseillers politiques. Cette décision «lui permettra de répondre aux questions qui lui sont posées» sur ses activités passées, a-t-il fait valoir.

Aquilino Morelle, 51 ans, est accusé par le site d'information Mediapart d'avoir mené en 2007 une mission de conseil auprès d'un laboratoire pharmaceutique danois, Lundbeck, payée 12 500 euros, alors qu'il était employé par le service chargé, entre autres, de contrôler ce secteur industriel, l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS).

Un cas flagrant de conflit d'intérêt, selon Mediapart, qui évoque aussi le train de vie somptuaire à l'Élysée de l'homme de l'ombre, propriétaire de 30 paires de chaussures de luxe qu'il se fait cirer sous les ors de la République et amateur des grands crus de la cave présidentielle qu'il faisait ouvrir pour de simples réunions de travail.

Aquilino Morelle a assuré dans un communiqué remis à l'AFP n'avoir «commis aucune faute», affirmant cependant que sa démission était nécessaire pour «être entièrement libre de répondre (aux) attaques» et «ne pas gêner l'action du président de la République, du gouvernement et de la majorité, dans un moment particulièrement difficile de la vie du pays».

L'affaire survient en effet au plus mauvais moment pour l'exécutif socialiste alors que le nouveau premier ministre Manuel Valls, nommé après le désaveu des élections municipales, vient d'annoncer un plan d'économies de 50 milliards d'euros dans les finances publiques, des mesures de rigueur qui ont fait grincer des dents à gauche.

Plusieurs députés socialistes ont critiqué la nomination de Manuel Valls, pour laquelle Aquilino Morelle avait plaidé. Les deux hommes sont d'ailleurs amis et l'entourage du premier ministre a fait savoir qu'il lui avait conseillé de démissionner.

«Juge et partie»

La décision a été accueillie avec soulagement au Parti socialiste, inquiet de cette nouvelle affaire un an après les révélations sur les comptes en Suisse de l'ancien ministre du Budget Jérôme Cahuzac, contraint lui aussi à la démission en mars 2013. Une affaire déjà révélée par Mediapart, qui s'est fait une spécialité des primeurs mettant en cause la corruption des élites politiques.

«Si ce qui se dit est vérifié, je ne vois pas comment il (Morelle) peut rester», avait déclaré vendredi matin le nouveau Premier secrétaire du Parti socialiste, Jean-Christophe Cambadélis.

«Ce qu'il a fait avant» d'être nommé à l'Élysée en 2012, «il a à en répondre, ça revient à lui et à lui seul, c'est ce qu'il a compris en présentant sa démission, que j'ai acceptée immédiatement», a commenté le chef de l'État, en visite à l'usine de pneumatiques Michelin à Clermont-Ferrand (centre).

«Il a travaillé pour la présidence de la République pendant deux ans, et il a bien travaillé», a ajouté le chef de l'État.

Vendredi, l'IGAS a démenti avoir délivré à Aquilino Morelle, une autorisation pour travailler dans l'industrie pharmaceutique, contrairement à ce qu'il avait laissé entendre jeudi.

La Haute autorité de la transparence de la vie publique, créée après l'affaire Cahuzac pour vérifier les déclarations d'intérêts et de patrimoine des élus et hauts fonctionnaires, a annoncé entamer l'étude du dossier de M. Morelle.

«Il était juge et partie, c'est le paroxysme du conflit d'intérêts. Il a menti alors qu'il prônait la transparence sur les plateaux de télévision», a commenté vendredi l'auteur de l'article de Mediapart, Mickaël Hajdenberg.

Aquilino Morelle, enfant d'une famille d'immigrés espagnols, médecin de formation tout en étant passé par la prestigieuse École nationale d'administration avait été la «plume» du premier ministre socialiste Lionel Jospin.

Il a été aussi l'inspirateur du discours du Bourget de janvier 2012 dans lequel François Hollande, alors candidat à la succession de Nicolas Sarkozy, clamait que son «principal adversaire» était «le monde de la finance» et promettait de ramener l'argent au rang de «serviteur et non d'un maître.»