À six semaines des Jeux de Sotchi, les deux attentats survenus coup sur coup en Russie, qui s'ajoutent à celui qui avait déjà fait six morts à Volgograd en octobre, témoignent du pari risqué du président Vladimir Poutine et du Comité international olympique. Les voix officielles se veulent rassurantes. Les prédictions des experts le sont nettement moins.

Les attentats rapprochés des derniers jours, qui ont fait 31 morts et qui sont attribués à des djihadistes du Caucase, ont amené l'homme fort de Moscou à renforcer la sécurité dans toute la Russie.

Cette mesure s'ajoute au déploiement déjà annoncé de 40 000 policiers pendant les Jeux, à l'interdiction d'entrer en auto dans Sotchi à partir du 7 janvier et à l'interdiction par décret de tout rassemblement ou manifestation pendant les Jeux. Les services secrets russes intercepteront par ailleurs toutes les communications des spectateurs, des athlètes et des journalistes, à l'affût du moindre mot-clé suspect.

En mai, Dmitri Tchernichenko, président du comité organisateur des Jeux de Sotchi, promettait «les jeux les plus sécuritaires de l'histoire».

Confiance renouvelée

Même après les attentats des derniers jours, le président du Comité international olympique, Thomas Bach, a déclaré dans un communiqué qu'il faisait pleinement confiance aux dirigeants russes afin que les Jeux soient «sûrs et sécuritaires».

Du côté du Comité olympique canadien, c'est aussi par voie de communiqué qu'on a réagi hier. «Dans le but d'assurer la sécurité de l'ensemble du contingent canadien durant les Jeux de Sotchi, le Comité olympique canadien travaille depuis plusieurs années en collaboration avec la Gendarmerie royale du Canada, les agences de sécurité russes, ainsi que nos partenaires médicaux et gouvernementaux. Le Comité olympique canadien met tout en oeuvre pour faire en sorte que les athlètes canadiens évoluent dans un environnement sécuritaire.»

Une «atmosphère de terreur»

Les attentats des derniers jours jettent un doute sur ces paroles rassurantes. «Nous ne savons pas où et quand il y aura encore des explosions, mais personne ne doute que cela se produira encore», prédit l'expert russe Alexeï Malachenko, du Centre Carnegie.

«Cette série d'explosions vise à créer une atmosphère de terreur avant les Jeux olympiques», de renchérir l'analyste russe indépendant Pavel Felgenhauer.

«Le plus important pour eux, c'est que les attaques fassent le plus de morts possible pour créer un sentiment de peur et de panique», estime pour sa part Alexandre Konovalov, président de l'Institut des études stratégiques.

Déjà, dans une vidéo tournée dans une forêt et diffusée le 3 juillet, le djihadiste tchétchène Dokou Oumarov appelait à des attaques contre les Jeux olympiques. Les autorités russes «veulent organiser les Jeux olympiques sur les ossements de nombreux musulmans enterrés sur nos terres, le long de la mer Noire. Nous devons empêcher cela par tous les moyens».

Jeux sans problèmes

Sur une note moins sombre, les plus récents Jeux olympiques se sont déroulés sans incident majeur, comme le faisaient remarquer hier des quotidiens français. Malgré des explosions survenues quelques mois avant le lever de rideau à Athènes et à Pékin, il n'y avait finalement pas eu de problèmes.

Reste que la décision du CIO de confier les Jeux à une région aussi explosive et à un président aussi controversé que Vladimir Poutine était risquée.

«Vladimir Poutine semble être la seule personne sur Terre à ne pas comprendre que ces Jeux représentent un énorme risque», prévenait déjà en octobre Mikhaïl Deliagine, politicien et économiste proche de l'opposition.

Le dirigeant russe, qui a bataillé ferme pour obtenir ces Jeux - poussant même l'opération séduction des membres du CIO jusqu'à importer par avion une patinoire sous le soleil du Guatemala -, espère que ces Jeux marqueront la renaissance de la grande Russie.

«Poutine a fait de ces Jeux un symbole de son règne. Ce sont ses Jeux de Berlin, de Pékin. Il a mis sa réputation en jeu avec eux, analysait en octobre dans La Presse le journaliste Ben Judah, auteur du livre Fragile Empire sur la Russie de Poutine. Tout dérapage sera interprété comme un dérapage pour lui, mais aussi pour l'État russe en entier.»

- Avec l'AFP et Associated Press