L'Ukraine a encaissé mardi les trois premiers milliards de dollars du plan de sauvetage financier accordé par la Russie la semaine dernière et dénoncé comme une trahison par l'opposition pro-européenne.

«Aujourd'hui, 24 décembre, la Banque Nationale d'Ukraine a reçu la première tranche du prêt accordé par la Russie, pour un montant de trois milliards de dollars», ont indiqué les services du premier ministre Mykola Azarov dans un communiqué.

Au total, en vertu de l'accord signé mardi dernier à Moscou entre les présidents ukrainien et russe, la Russie doit prêter 15 milliards de dollars à Kiev via l'achat de titres de dette publique issue par l'Ukraine, au bord de la faillite et en récession depuis près d'un an et demi. Le taux d'intérêt est de 5%.

Elle lui a aussi accordé un rabais de 30% sur le gaz qu'elle lui vend, ce qui représente trois à quatre milliards de dollars par an d'économie au vue des volumes achetés ces dernières années.

L'opposition ukrainienne, mobilisée dans le centre de Kiev depuis la décision du président ukrainien Viktor Ianoukovitch fin novembre de renoncer à un accord avec l'UE au profit d'un rapprochement économique avec Moscou, avait dénoncé l'aide russe comme une «mise en gage» du pays à la Russie.

Le versement de cette première tranche «est un facteur stabilisant», a assuré M. Azarov, cité dans le communiqué. Il avait indiqué auparavant que cette somme servirait au paiement des prestations sociales.

«En 2014, nous comptons relancer nos relations commerciales et économiques avec la Russie et retrouver le niveau de 2011», a poursuivi le chef du gouvernement ukrainien. «C'est très important pour nous, car il s'agit de nos emplois, de nos revenus budgétaires», a-t-il ajouté.

Les autorités ukrainiennes avaient expliqué leur volte-face par la situation économique catastrophique de l'ex-république soviétique, soulignant que les échanges commerciaux avaient chuté depuis le début de l'année avec la Russie, qui représente plus du quart de ses exportations.

Un premier pas vers l'Union douanière?

Recevant M. Ianoukovitch au Kremlin la semaine dernière, Vladimir Poutine avait souligné que l'aide apportée à Kiev n'était soumise à «aucune condition, ni à une hausse, ni à une baisse, ni au gel des avantages sociaux, des retraites, des bourses ou des dépenses».

Le Fonds monétaire international (FMI) avait accordé en 2010 un crédit de plus de 15 milliards de dollars à l'Ukraine, dont elle n'a versé que trois milliards, exigeant en préalable à tout nouveau versement l'adoption de réformes impopulaires rejetées par Kiev.

Le président ukrainien a répété ces dernières semaines qu'il n'était pas prêt à accepter la hausse du prix du gaz exigée par le FMI qui estime que ces subventions aux ménages et à l'industrie représentent 7% du produit intérieur brut et favorisent les consommateurs les plus aisés.

L'opposition ukrainienne assure que le sauvetage russe constitue un premier pas en vue d'une entrée du pays dans l'Union douanière qui réunit la Russie et d'anciennes républiques soviétiques. Elle doit servir de base à la formation d'une grande union eurasiatique voulue par Vladimir Poutine, selon l'opposition, ce que Kiev et Moscou ont toujours démenti.

Sans mentionner l'Ukraine, le président russe a vanté mardi les mérites de cette communauté eurasiatique, visant à «renforcer les économies, garantir un développement harmonieux» et à la «modernisation et une amélioration de la compétitivité des pays concernés».

Selon lui, l'arrivée de nouveaux membres dans cette union «sera dans l'intérêt non seulement des membres, mais de la région dans son ensemble», alors que l'Arménie et le Kirghizstan ont exprimé leur souhait d'en faire partie.

Le sauvetage de l'Ukraine, qui revient à un placement dans des titres financiers réputés peu sûrs, fait aussi grincer des dents en Russie. Il doit être réalisé avec de l'argent puisé dans le fonds mis en place par les autorités russes à l'origine pour préparer la Russie à une chute des cours du pétrole, qui représente la moitié de ses rentrées budgétaires.