Malgré la diffusion d'une nouvelle photo qui montre clairement son visage, malgré l'analyse partielle d'un échantillon de son ADN et la mobilisation de milliers de policiers, le tireur qui a grièvement blessé un assistant photographe du journal Libération, lundi, était toujours introuvable hier soir.

Depuis cette attaque sans précédent en France, la préfecture de police de Paris a reçu 400 appels de citoyens croyant détenir des informations pertinentes pour l'enquête. Plus d'une centaine de ces tuyaux ont fait l'objet d'une vérification. Une information relayée hier après-midi par le journal Le Parisien annonçait l'arrestation de l'homme le plus recherché de la France. Mais elle a vite été démentie: un suspect avait bel et bien été interpellé, mais ce n'était pas le bon.

Hier soir, une trentaine d'heures après sa dernière apparition, dans une station de métro à Paris, l'homme qui transporte peut-être un sac bourré d'explosifs avait gardé tout son mystère. Son identité, ses déplacements et ses motivations restaient inconnus.

«Les patrouilles ont été renforcées, mais c'est grand, Paris, et c'est grand, la région de l'Île-de-France. C'est un peu comme chercher une aiguille dans une botte de foin», souligne Pascal Disant, porte-parole de l'Alliance nationale de la police.

Sur sa nouvelle photo, captée par une caméra de surveillance peu après l'agression à Libération, l'homme porte des lunettes et une tuque beige, et a troqué son manteau contre une veste rouge. La police y voit le signe d'une attaque soigneusement planifiée: «Il n'est peut-être pas si déséquilibré que ça, puisqu'il a pensé à se changer», note Pascal Disant, qui a décrit l'enquête en cours comme «stagnante».

En attendant qu'elle débloque, quelques équipes de télévision grelottaient de froid, hier, devant le 36, quai des Orfèvres, qui abrite la Direction régionale de la police criminelle, où sera amené un éventuel prévenu. Mais rien n'indiquait que leur attente tirait à sa fin.

Dans le hall de Libération, dans le 3e arrondissement de Paris, une plaque de plancher nu, débarrassé du tapis couvert de sang qui a été saisi par la police, était le seul signe témoignant de l'attaque de la veille. Mais cette apparence de normalité était trompeuse et les employés du journal n'ont pas fini de digérer leur choc, selon le directeur de la rédaction Fabrice Rousselot.

Ce dernier avait accouru vers l'entrée de l'immeuble dès l'annonce des coups de feu et y avait vu le corps du photographe, effondré près du poste d'accueil.

«J'ai hâte de comprendre les motivations du tireur. Devant un gamin qui baigne dans son sang, on se demande: pourquoi?», s'interrogeait-il devant l'entrée du journal, hier.

Libération a mis sur pied une cellule de soutien psychologique pour venir en aide aux employés ayant été témoins de la fusillade. Le journal a aussi lancé une réflexion sur sa sécurité. Mais cette démarche, il la poursuit un peu à contrecoeur: «L'accès libre fait partie de notre état d'esprit», rappelle Fabrice Rousselot.

Sur le qui-vive

Le tireur s'étant introduit, vendredi, dans les locaux de la chaîne BFMTV, tous les médias sont sur le qui-vive. La police assure une surveillance continue dans tous les grands quotidiens, stations de télé et hebdomadaires à Paris.

Seule bonne nouvelle de la journée d'hier, la victime du mystérieux tireur, l'assistant photographe dont les parents préfèrent ne pas révéler le nom - il est généralement identifié comme C. -, a pu être tirée du coma artificiel. Les chirurgiens sont parvenus à retirer un projectile de son thorax, mais ont dû aussi l'amputer de la rate et d'une partie du poumon.

Originaire de Toulon, l'homme de 23 ans en était à sa deuxième visite dans les locaux de Libération, en affectation pour le magazine Next, publié par le quotidien. Selon une collègue, Audrey Pithiaud, il était «pétillant» et parlait avec un accent du Sud. Aux dernières nouvelles, il était conscient et sa vie ne semblait plus en danger.