David Cameron a averti mercredi son homologue espagnol Mariano Rajoy du «risque réel» d'une détérioration des relations à cause de Gibraltar, lors d'une discussion destinée à faire baisser la tension sur ce rocher sous contrôle britannique revendiqué par Madrid.

La situation s'est dégradée fin juillet lorsque les autorités de Gibraltar - une enclave rocheuse de 7 km2 située à l'extrême sud de la péninsule ibérique- ont décidé de construire un récif artificiel en béton dans la Méditerranée, pour tenter de mettre fin aux incursions dont elles accusent les pêcheurs espagnols.

Gibraltar affirme que l'Espagne a multiplié les contrôles à la frontière par mesure de représailles. Ce à quoi Madrid rétorque que ces contrôles sont obligatoires - puisque Gibraltar, comme le Royaume-Uni, n'appartient pas à l'espace Schengen - et nécessaires pour lutter contre la contrebande.

Lors d'une conversation téléphonique d'une dizaine de minutes mercredi, le chef du gouvernement britannique David Cameron a exprimé ses «vives inquiétudes» à propos des longues files d'attente à la frontière entre l'Espagne et Gibraltar et de l'éventualité évoquée par Madrid d'instaurer un droit de péage de 50 euros à l'entrée et à la sortie du territoire.

M. Cameron a estimé que «le problème ne devrait pas endommager nos relations bilatérales, mais qu'il y avait un réel risque que cela se produise à moins que la situation à la frontière ne s'améliore», a indiqué un porte-parole de Downing Street.

Le premier ministre britannique a aussi réaffirmé que la position de Londres sur la souveraineté de Gibraltar et sur ses eaux environnantes «ne changerait pas».

M. Rajoy a lui jugé «inacceptable» la décision «unilatérale» des autorités de Gibraltar d'installer des blocs de béton dans la baie d'Algeciras.

Les deux chefs de gouvernement conservateurs ont malgré tout semblé désireux de faire baisser la tension.

Dans un tweet, M. Cameron a jugé que la discussion avait été «constructive» et Mariano Rajoy s'est, selon Londres, «engagé à réduire les mesures à la frontière».

«Les relations bilatérales entre l'Espagne et le Royaume-Uni sont celles de pays partenaires, amis et alliés, ce qui implique que les conflits qui apparaissent entre eux doivent être gérés avec honnêteté et transparence, dans un dialogue s'inscrivant dans le respect de la légalité internationale, européenne et nationale», a de son côté indiqué le gouvernement espagnol.

Le chef de la diplomatie espagnole José Manuel Garcia-Margallo et son homologue britannique William Hague ont été chargés de dialoguer pour tenter de calmer la situation.

Ils «se sont engagés à travailler pour résoudre la situation, en créant des groupes de travail», a annoncé mercredi Madrid après une conversation téléphonique entre les deux ministres.

Mais preuve de la persistance des dissensions, M. Garcia-Margallo a réaffirmé que l'Espagne se réservait la possibilité «d'effectuer des contrôles pour éviter les trafics illicites, (...) les atteintes à l'environnement et à la loi espagnole et communautaire».

Et M. Hague a jugé «disproportionnés les événements récents à la frontière entre l'Espagne et Gibraltar», «exhortant les autorités espagnoles à désamorcer la situation» tout en affirmant que les deux premiers ministres avaient convenu dans la matinée «de la nécessité de réduire les tensions».

Cherchant l'apaisement, la Commission européenne a proposé mardi de dépêcher en septembre ou octobre un groupe d'experts à la frontière entre l'Espagne et Gibraltar, pour vérifier si les contrôles sont «proportionnés» et si les temps de passage sont «excessifs».

Madrid a adopté une position plus ferme à l'égard de Gibraltar dès l'arrivée au pouvoir du gouvernement de droite de Mariano Rajoy à la fin 2011.

La question des droits de pêche est un motif de discorde récurrent entre Londres et Madrid qui réclame depuis longtemps le retour de Gibraltar, territoire stratégique cédé en 1713 par l'Espagne à la Grande-Bretagne, aux termes du Traité d'Utrecht.

Londres refuse, faisant valoir l'opposition de la population locale, environ 30 000 habitants, à une telle mesure.

Dans ce contexte de tensions, le gouvernement de Gibraltar a affirmé mercredi avoir reçu le soutien du gouvernement des îles Malouines, archipel de l'Atlantique Sud objet d'une guerre en 1982 et sous contrôle britannique depuis que les autorités argentines en ont été chassées en 1833.