La crise politique s'est dégonflée jeudi au Luxembourg, où des élections anticipées devraient avoir lieu en octobre à la demande du premier ministre Jean-Claude Juncker qui, au lendemain de la défection de son allié socialiste, reste en fonction, bien décidé à se succéder à lui-même.

Après un conseil de gouvernement dans la matinée, le premier ministre s'est rendu dans l'après-midi chez le Grand-Duc Henri pour lui demander de dissoudre la chambre des députés et de convoquer des élections. Le chef de l'État «se réserve un délai de réflexion et procèdera à une série de consultations», a indiqué le Palais dans un communiqué à l'issue de la rencontre.

Le Parlement devrait rester en fonction jusqu'au 8 octobre et les législatives avoir lieu le 20 octobre, sept mois avant l'échéance normale de mai 2014, a indiqué le ministre de l'Économie. En attendant, le gouvernement reste en place et le conseil des ministres hebdomadaire aura lieu vendredi, comme d'habitude.

Au terme d'un débat de sept heures mercredi à la chambre des députés sur sa responsabilité dans un scandale impliquant le service de renseignement, M. Juncker a été lâché par le parti socialiste.

Il a immédiatement lancé la contre-offensive en demandant des élections anticipées, avec la ferme intention de conduire la liste des chrétiens-sociaux (CSV) pour rempiler comme chef du gouvernement, fonction qu'il exerce sans discontinuer depuis 18 ans.

«Je ne suis pas puni, donc je veux encore me présenter aux élections», avait-il déclaré dès mercredi soir. Le site internet du CSV affichait jeudi une photo de M. Juncker, sourire en coin, avec ce slogan : «Ensemble avec le premier» ministre.

Le CSV a convoqué un congrès extraordinaire jeudi soir. Ce parti de centre droit, au pouvoir sans discontinuer depuis sa création en 1944, à l'exception d'une brève période d'opposition au milieu des années 70, domine la vie politique locale.

Avec 38 % des voix en 2009, il avait obtenu 26 des 60 sièges de députés, contre 13 pour les socialistes et 9 pour les libéraux.

En cas, désormais hypothétique, de retrait de M. Juncker, le nom le plus souvent cité pour lui succéder était celui de Viviane Reding, sa grande rivale au sein du parti, exilée depuis près de 15 ans à Bruxelles où elle effectue son troisième mandat de commissaire européen.

Mais elle a rendu les armes dès jeudi. «Nous avons un bon premier ministre et nous allons le garder. (...) Il va rester à Luxembourg et moi je vais rester à Bruxelles», a-t-elle déclaré lors d'un déplacement à Varsovie, sans s'empêcher de glisser qu'il «ne faut jamais dire jamais en politique».

L'incertitude règne davantage sur les contours de la future coalition : les chrétiens-sociaux vont-ils repartir avec leur traditionnel allié socialiste, ou tenter de gouverner avec les libéraux, comme entre 1999 et 2004? De leur côté, les socialistes pourraient tenter une coalition à trois avec les libéraux et les Verts pour chasser les chrétiens-sociaux.

M. Juncker, 58 ans, a reçu le soutien appuyé du Parti populaire européen (PPE), qui regroupe les partis de centre droit européens. Il «a toute ma confiance et mon soutien pour les échéances électorales nationales et européennes à venir», a affirmé dans un communiqué Joseph Daul, le président du groupe au Parlement européen.

Une déclaration en forme d'ouverture éventuelle vers un poste européen en 2014 pour celui qui avait été pressenti en 1999 pour la présidence du Conseil européen.

Le prochain premier ministre devra s'investir davantage dans la vie politique luxembourgeoise. Un des grands reproches faits à M. Juncker a été d'avoir délaissé son pays au profit de l'Europe, notamment ces dernières années lorsqu'il s'est battu pour sauver l'euro à la tête du forum des ministres des Finances de l'union monétaire qu'il a présidé entre 2005 et 2013.