La volonté de François Hollande d'obliger les parlementaires français à publier leur patrimoine et à renoncer à l'exercice de certaines professions pour assainir la vie politique après l'affaire Cahuzac provoquait jeudi une vive opposition des élus à droite, mais aussi à gauche.

Reçu par le premier ministre Jean-Marc Ayrault pour évoquer le futur projet de loi sur la moralisation de la vie politique, le président socialiste de l'Assemblée Claude Bartolone lui a «fait part de ses réserves» sur une disposition phare : la publication de la déclaration de patrimoine des ministres, parlementaires, grands élus, dirigeants des grandes administrations et membres des cabinets ministériels.

«Ce n'est pas forcément la bonne solution pour permettre un lien de confiance entre les élus et la population», a-t-il dit. «Est-ce que vous croyez réellement qu'en améliorant la transparence du patrimoine ça aurait permis à M. (Jérôme) Cahuzac de déclarer son compte à Singapour?», s'est-il interrogé.

Les critiques sont particulièrement fortes au sein de la droite qui juge que les annonces de François Hollande mercredi vont créer «une République du soupçon», comme le dit l'ancien ministre Bruno Le Maire.

Claude Bartolone «s'est fait le porte-parole des parlementaires», reconnait l'entourage du président. «Au niveau de leurs électeurs, à la limite, ils peuvent s'arranger, mais ça coince au niveau de leur vie privée puisque ça concerne aussi leurs enfants et leur conjoint», ajoute-t-on de même source.

Les craintes des élus sont renforcées par les premières publications du patrimoine des ministres, qui doivent être achevées d'ici le 15 avril. Elles font l'objet sur le web de commentaires ironiques, comme sur la voiture supposée polluante de la ministre écologiste du Logement Cécile Duflot, une Twingo de 1999, ou envieux dans le cas de la ministre de la Santé et des Affaires sociales Marisol Touraine, redevable de l'impôt sur la fortune.

Les parlementaires sont davantage en faveur de la création d'une haute autorité chargée de contrôler ces déclarations. Celles-ci sont déjà remises à une Commission pour la transparence financière, mais qui n'a guère de pouvoir d'enquête et de sanction.

Risque d'une assemblée de fonctionnaires

Autre point polémique, l'interdiction annoncée du cumul d'un mandat parlementaire «avec certaines activités professionnelles pour prévenir tout conflit d'intérêts».

Cette liste d'activités devrait être définie dans le projet de loi présenté en Conseil des ministres le 24 avril, ce qui promet une bataille d'amendements au Parlement des professions concernées.

Cette interdiction devrait viser notamment les consultants et les avocats d'affaires, depuis longtemps dans la ligne de mire.

Le président de l'UMP (opposition) Jean-François Copé a été ainsi pointé du doigt pour avoir travaillé au sein d'un grand cabinet d'affaires parisien entre 2007 et 2010 alors qu'il était chef des députés de son mouvement à l'Assemblée.

«Je suis comme quarante ou cinquante parlementaires avocat de profession», s'est défendu M. Copé, assurant avoir «scrupuleusement veillé à ce qu'il n'y ait jamais de conflit d'intérêts».

Le président du groupe UMP à l'Assemblée Christian Jacob craint qu'une telle mesure ne décourage les candidatures de salariés du privé et les professions libérales. «On va faire une assemblée d'apparatchiks et de fonctionnaires», répète-t-il.

Quand ils sont élus, les fonctionnaires sont en effet «en détachement» de leur poste qu'ils peuvent retrouver à la fin de leur mandat.

La question du «pantouflage», ces fonctionnaires ou membres de cabinets ministériels qui rejoignent des entreprises, fait aussi débat. Cela a été le cas par exemple de Jérôme Cahuzac qui a fait dans les années 90 du lobbying pour les laboratoires pharmaceutiques après avoir été conseiller du ministre de la Santé.

Les enquêteurs cherchent à déterminer si ses gains à l'époque ont alimenté son compte en Suisse, à l'origine de la crise actuelle.