Deux femmes ont été interpellées jeudi dans la cathédrale de Moscou alors qu'elles voulaient marquer l'anniversaire de la «prière punk» contre Poutine chantée par le groupe contestataire Pussy Riot, dont membres sont aujourd'hui emprisonnées.

Irina Karatsouba et Elena Volkova, deux enseignantes, ont été interpellées dans la matinée dans la cathédrale, alors qu'elles avaient revêtu des cagoules comme celles des Pussy Riot, et s'apprêtaient à déposer des fleurs devant l'iconostase.

Elles ont pu quitter dans l'après-midi le commissariat où elles avaient été emmenées, a indiqué sur Twitter l'avocate Violetta Volkova.

Mme Karatsouba a raconté vouloir célébrer «l'anniversaire d'un événement qui a changé notre pays», selon le site d'informations en ligne gazeta.ru.

Le 21 février 2012, cinq jeunes femmes étaient entrées dans la cathédrale du Christ Sauveur à Moscou, avaient enfilé des cagoules colorées et interprété une chanson punk dénonçant une collusion entre l'Église orthodoxe et le pouvoir politique. Elles avaient prié la Sainte Vierge de «chasser Poutine».

La scène, qui n'a duré que 40 secondes, avait été filmée et aussitôt placée sur l'internet, ce qui fera la notoriété du groupe, quasi-inconnu jusqu'alors.

Face à des fidèles orthodoxes sous le choc, les jeunes femmes étaient parvenues à s'enfuir ce matin-là, mais trois d'entre elles avaient été arrêtées quelques jours plus tard. Les autres n'ont jusqu'à présent pas été identifiées.

Aujourd'hui, deux d'entre elles, Nadejda Tolokonnikova, 23 ans, et Maria Alekhina, 24 ans, toutes deux mères d'enfants en bas âge, purgent une peine de deux ans dans des camps de l'Oural et de Mordovie (Volga).

La troisième, Ekaterina Samoutsevitch, 30 ans, a vu en octobre sa peine commuée en sursis, après avoir fait valoir qu'elle n'avait pas chanté avec les autres, ayant été interpellée une quinzaine de secondes après son arrivée dans l'église avec sa guitare.

L'affaire a profondément divisé la société en Russie, mais le groupe est devenu depuis un symbole à l'étranger de la protestation contre le régime russe.

Selon un sondage de l'institut indépendant Levada effectué en octobre, 35 % des Russes estiment que la peine de deux ans de prison est inappropriée, tandis que 43 % pensent que ce n'est pas assez sévère. Seuls 13 % des personnes interrogées jugent qu'elle est beaucoup trop sévère.

À l'étranger en revanche, les jeunes femmes ont obtenu le soutien d'artistes comme Madonna et Yoko Ono, et un documentaire sur leur procès a gagné un prix spécial du jury au festival du film indépendant américain de Sundance.

«L'attention (portée à cette affaire, NDLR) est si énorme qu'il n'y a pas de danger qu'on n'en parle plus», a assuré cette semaine dans une interview à l'AFP le mari de Nadejda Tolokonnikova, Piotr Verzilov.

Un an après la performance des Pussy Riot, «la situation de la liberté d'expression n'a fait qu'empirer en Russie», a regretté jeudi l'ONG Amnistie Internationale dans un communiqué.

La résonance internationale du procès n'a pourtant pas semblé émouvoir les autorités russes.

M. Poutine a dit à plusieurs reprises qu'il ne pouvait influencer le cours de la justice. Il n'a par ailleurs pas caché son hostilité envers les Pussy Riot.

La justice a ordonné fin novembre de restreindre sur plusieurs sites internet l'accès aux vidéos du groupe au motif qu'elles avaient un caractère «extrémiste».

L'affaire Pussy Riot a amené les députés russes à proposer un texte de loi prévoyant jusqu'à cinq ans de prison pour «offense aux sentiments religieux des croyants» ou profanation d'objets religieux, qui doit bientôt passer en première lecture à la Douma, la chambre basse du Parlement.

Réprimée à l'époque soviétique, l'Église est devenue en deux décennies, et en particulier depuis l'arrivée de M. Poutine au pouvoir il y a treize ans, une institution de plus en plus puissante.